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La confession impériale

La confession impériale

Titel: La confession impériale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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proie
à des sentiments confus et contradictoires.
    Je ne pouvais ignorer le caractère sacro-saint
de notre mission civilisatrice, mais des doutes m’accablaient. De quel droit, me
disais-je, imposer à ces nations, auxquelles appartenaient mes ancêtres, des
croyances et un mode de vie qui ne convenaient pas à leur nature ? Elles
défendaient leur indépendance comme jadis les Gaulois contre César et, quelques
siècles plus tard, les chrétiens de Charles Martel contre les hordes musulmanes
d’Abd al-Rhaman. À ces réticences s’opposaient ma volonté de ne pas laisser ces
populations en jachère. Porteur du bon grain, j’avais pour mission de le semer
et de veiller à sa germination.
    Heureux l’homme qui peut fonder ses actes sur
des certitudes inébranlables !
    Parenthèse :
    Éginhard, son
calame en suspens, me fixe d’un regard effaré, muet comme une amphore cachetée
de cire.
    — Pardonnez-moi,
me dit-il, mais je ne puis poursuivre. Si je consignais fidèlement ces derniers
propos, ils jetteraient l’opprobre sur vous.
    — J’exige que
tu reprennes ton calame et que tu n’omettes rien de mon récit, que cela te
plaise ou non !
    — Et si je
refusais ?
    — Tu devrais
quitter ce palais pour le couvent. À toi de choisir…
    Il poursuit, après
un toussotement embarrassé :
    — Sire, que
pourra-t-on penser de ces deux personnages du centenaire et de la
prêtresse ? Ont-ils existé ou sont-ils le fruit de votre
imagination ?
    — Qu’importe !
Dis-toi que, s’ils sont fictifs, ces personnages sont le reflet d’une situation
tangible.
    Après un
bâillement, j’ajoute en quittant mon fauteuil :
    — Je te
pardonne. Nous en avons fini pour aujourd’hui. D’ailleurs, c’est l’heure du
bain. Nous avons besoin d’un peu de détente, toi et moi…
    Rothilde m’attendait
à la porte de mon cabinet en jouant aux osselets avec le garde. Elle prend ma
main et m’entraîne en sautillant.
    En dépit des doutes qui m’obsédaient, je
persistais à croire qu’un jour ou l’autre l’occasion me serait donnée
d’affronter les Barbares en bataille rangée. Elle allait se présenter en
Angrarie, au milieu de l’été, dans la vallée de la Weser et les puissants
massifs montagneux proches de la localité de Brunisberg.
    Nous venions à peine d’installer notre camp et
de creuser des retranchements sur les bords du fleuve où s’abreuvaient les
chevaux quand une reconnaissance envoyée en amont revint au galop. Les
cavaliers avaient perçu des rumeurs de chants sur les derniers contreforts de
la montagne. Il semblait évident que le rassemblement qui venait de s’opérer
n’avait pas pour but une collecte de fruits sauvages ou une fête païenne…
    La nuit, illuminée de feux à proximité et
au-dessus de notre camp, me fit craindre une attaque, alors que notre enceinte
de pieux était incomplète et que nous l’avions dressée entre la forêt et la
Weser. Ma hantise était de voir notre armée contrainte, en se repliant, de se
jeter dans le fleuve où mes cavaliers bardés de fer auraient sombré.
    Je postai des groupes de piétons sur les
abords du camp pour prévenir toute surprise et nous donner le temps de faire
face. Savoir que les Angrariens répugnaient au combat nocturne ne me rassurait
qu’à demi. Je fis achever à la lumière des torches la palissade et la
construction des tours de bois.
    La nuit fut calme, mais je dormis peu,
réveillé de temps à autre par les hurlements des loups qui rôdaillaient sur
l’autre rive et par les invocations, les chants et les roulements de tambours,
qui s’interrompaient pour reprendre peu après.
    Au jour levant, je
mis mon armée en ordre de bataille à l’avant du camp. Le centre était occupé
par des fantassins chargés de supporter le premier assaut, ma cavalerie postée
sur les ailes.
    En dévalant les pentes avec la force et
l’ampleur d’un torrent, les Angrariens nous défièrent par un concert de cornes
de guerre et de chants qui répétaient inlassablement un nom : Irmino ou Irmensul, que j’assimilai à celui d’un héros ou d’un dieu.
    Insoucieux de toute tactique, ces Barbares
foncèrent sur nous en brandissant leurs armes, dans un tonnerre de rugissements
et avec une telle vivacité que les premiers rangs de nos fantassins fléchirent
et se trouvèrent acculés aux palissades du camp.
    Les Angrariens avaient l’avantage du nombre
mais nous leur étions supérieurs par l’armement, la réflexion et

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