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La confession impériale

La confession impériale

Titel: La confession impériale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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ne savoir
faire que cela. Je lui avais adressé des courriers auxquels elle n’avait pas
daigné répondre. Quand je lui reprochai sèchement cette négligence ; elle
argua de ses occupations domestiques. Lui en tenir rigueur eût été inutile et
eût envenimé des rapports qui n’avaient plus rien d’idyllique.
    Je passai une partie de l’hiver à rédiger,
avec le concours d’Alcuin et d’Éginhard, un capitulaire : De partibus
Saxoniae, catalogue des sanctions pour les manquements des populations à
leurs devoirs religieux. Une amende punissait ceux qui s’adonnaient aux
pratiques païennes et négligeaient ou refusaient le baptême. On risquait la
peine capitale pour avoir, par provocation, mangé de la viande en carême,
commis des profanations dans un sanctuaire ou fait incinérer un cadavre.
    Des remises de peine étaient consenties pour
des repentirs jugés sincères, mais n’excluaient pas des obligations de
pèlerinages et de confessions publiques. Le droit civil échappait à ma
justice ; je n’intervenais qu’en cas de crimes de sang.
    Je fis traiter avec une relative courtoisie
les chefs saxons qui m’avaient témoigné fidélité en m’offrant des otages pris parfois
dans leur famille, dont je fis des domestiques ou des esclaves.
    En octobre 785, je
me trouvais toujours à Attigny, sous la première neige, occupé à ce
capitulaire, quand une patrouille m’annonça l’arrivée d’un groupe de visiteurs.
Il était précédé d’un peloton d’une dizaine de cavaliers saxons drapés dans
leur manteau de grosse laine. Je laissai éclater ma joie en apprenant que ce
visiteur était Widukind.
    Ce n’était qu’une demi-surprise. Quelques mois
auparavant, dès mon arrivée à Attigny, je lui avais fait adresser par des missi des propositions de paix, sans me bercer d’illusions sur la réussite
de cette démarche.
    Je m’attendais à voir descendre de cheval un
grand et beau chef saxon auréolé de légende, monté sur un destrier caparaçonné
de peaux d’ours. Il se fit aider de ses hommes pour descendre du chariot où il
était allongé sur un lit de fourrures, sous un dais de cuir blanc de neige
frangé de glaçons.
    Il s’avança vers moi en clopinant et mit un
genou à terre. Étreint par une forte émotion, je l’aidai à se relever ; il
m’en remercia d’un sourire. J’observai avec commisération ce vieillard maigre,
souffreteux, à la barbe et à la crinière couleur de cendres. Privé de dents, il
mâchait avec peine le pain et la viande, et les portait à sa bouche d’une main
tremblante.
    — Sire, me dit-il, je ne viens pas vers
vous en ennemi car pour moi, la guerre finie, j’aspire au repos. Je vous
apporte ma soumission définitive et sincère. Plutôt mourir que trahir.
Acceptez-vous de parrainer mon baptême de même que celui de ma famille et de
mes compagnons de route ?
    Après lui avoir donné mon accord, je lui pris
le bras pour lui faire occuper le fauteuil que je venais de quitter, près de la
cheminée de la grande salle, et confiai à Fastrade le soin de lui faire
apporter, ainsi qu’à sa suite, du vin chaud et quelque nourriture. Je lui dis,
après qu’il eut vidé son premier gobelet de vin :
    — Vous ne pouviez me faire un plus grand
plaisir. J’attendais cette heure depuis des années, avec l’impatience que je
vous laisse deviner. J’ai éprouvé de la haine pour vous, mais je dois convenir
que, ne m’ayant jamais proposé votre soumission, vous n’avez pas trahi votre
parole, comme l’ont fait nombre des vôtres. Cela mérite un respect à la mesure
des efforts que j’ai dû déployer pour vous combattre.
    — Ces propos, me répondit-il, me vont
droit au cœur. Je n’en attendais pas moins de vous et savais pouvoir bénéficier
de votre sagesse.
    — J’aurais aimé vous compter parmi mes
grands vassaux et obtenir votre aide pour faire pénétrer la foi chrétienne sur
vos terres. Je regrette ma cruauté envers les populations qui vous ont élu leur
chef suprême. Feriez-vous de même et renieriez-vous votre comportement ?
    Il me répondit avec un sourire crispé :
    — Je mentirais si je vous avouais cela.
J’ai porté dans le cœur, depuis mon enfance, la haine des Francs. J’ai mis
longtemps à l’éliminer et, dois-je vous le confesser ?, j’ai à diverses
reprises au cours de ce voyage failli tourner bride pour reprendre la lutte,
malgré l’état où vous me voyez. Je suis incapable de mener une armée au

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