La confession impériale
et ses diplômes, puis avaient disparu,
premier pas vers une émancipation. Le second, qui m’irrita tout autant, fut son
mariage avec une princesse byzantine, Wanda.
J’étais excédé par cet interminable imbroglio
qui me tenait constamment en alerte, alors que d’autres sujets de préoccupation
s’imposaient à moi.
Il allait, quelques années plus tard, se
dénouer tragiquement.
Conscient, au retour
de ma dernière campagne, de la nécessité d’améliorer les voies de communication
dans mes nouveaux territoires pour le passage de mes armées, j’envisageai le
creusement d’un canal destiné à unir les eaux du Rhin à celles du Danube, de
manière à créer un lien entre Orient et Occident.
J’en avais choisi l’emplacement : il se
situerait au sud de l’Alamanie, dans les parages de la grande abbaye de
Saint-Gall.
Ce projet digne des Pharaons m’avait été
suggéré par Alcuin, au cours d’un exposé à l’académie Palatine sur l’Égypte du
temps de Cléopâtre. Il avait évoqué la tentative de cette reine de faire communiquer
la Méditerranée et la mer Rouge, au nord de la péninsule du Sinaï. Après des
années de travaux surhumains et la mort de dizaines de milliers d’esclaves,
elle avait dû y renoncer. On ne peut rien contre les sables du désert.
Ce projet audacieux
allait rester durant des années présent à ma mémoire comme un chardon accroché
au bas de ma robe. Les territoires de l’Est pacifiés, du moins en apparence, et
les affaires d’Italie sombrant dans la confusion, je jugeai le moment propice
de passer à l’acte. J’avais conscience de m’attaquer à la plus vaste (et la
plus onéreuse !) entreprise que l’Occident eût jamais connue depuis les
Romains.
En plus des deux grands fleuves, tout un
réseau de cours d’eau de moindre importance, comme le Rednitz et l’Altmühl,
seraient mis à contribution.
J’envoyai une équipe étudier le terrain et
relever la topographie de la région concernée par ces travaux. Leurs rapports
furent de nature à me dissuader, mais je passai outre et les invitai à recruter
au plus vite des ouvriers volontaires (j’insistai sur ce point) pour
effectuer le creusement de la tranchée.
Je tins à être
présent pour l’ouverture du chantier. Mes hommes faisaient grise mine :
outre que la région était montueuse et les vallées occupées par des marécages
et des tourbières, les volontaires étaient rares.
Après quelques jours passés sur les lieux, je
dus me rendre à l’évidence : mon projet semblait impossible à réaliser,
mais impossible est un mot que je déteste.
— Continuez à excaver durant un mois,
dis-je, et tenez-moi au courant. Ce que la nature a fait en creusant le lit des
rivières, pourquoi l’homme y renoncerait-il ? Ce ne sont pas ces quelques
arpents de terre à bouleverser qui pourraient nous arrêter !
Ils haussèrent les épaules comme si j’avais
perdu la raison ou que je leur avais demandé la lune.
Le délai imparti pour les premiers travaux
étant échu, je reçus leur rapport : il était décourageant. Une nouvelle
visite au chantier me confirma cette évidence. Pour un coup de pelle dans cette
terre meuble et gorgée d’eau, il en fallait deux pour la rejeter sur les talus
qui s’effondraient au fur et à mesure. Pour comble, les pluies ajoutaient aux
difficultés.
Après un mois d’efforts inutiles, je constatai
que le chantier n’était rien d’autre qu’un marécage où pataugeaient quelques
dizaines de malheureux et où allaient sombrer mes dernières illusions.
La solution la plus sage était de renoncer,
comme l’avait fait Cléopâtre. C’est à quoi, la mort dans l’âme, je dus me
résoudre. Elle avait été victime du sable et moi de l’eau.
Un message du pape m’attendait à mon retour.
Surprise ! Ce n’était pas pour demander mon intervention armée. La paix
régnait dans la Péninsule sous le sage gouvernement de Pépin et d’Adalhard.
Adrien souhaitait simplement, m’écrivait-il, s’entretenir avec moi de
l’indiscipline, dont on l’avait informé, qui sévissait dans les évêchés, les
abbayes et les monastères, suscitant sa sainte indignation.
Passer de nouveau les Alpes avec une simple
escorte, alors que la saison était avancée, m’importunait.
Ma présence à Rome ne s’imposant pas, je
restai à Quierzy pour y élaborer, de concert avec mon cher Éginhard, une Admonition générale sous forme de capitulaire, à l’adresse
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