La confession impériale
marches forcées, sous l’étendard vert du Prophète.
Guillaume était, je le répète, un redoutable
meneur d’hommes mais, des hommes, il en manquait. Le temps de rassembler des
contingents aquitains, burgondes et provençaux, les Maures avaient franchi les
cols des Pyrénées sans guère trouver de résistance et avaient déferlé dans les
radieuses campagnes de Septimanie. À leur grande stupeur, les Narbonnais les
virent se pavaner sous leurs murailles et s’attendirent à devoir subir un
siège. Plutôt que de piétiner devant cette ville fortement défendue, les Maures
se contentèrent de ravager les campagnes, d’incendier les faubourgs avant de
foncer sur Carcassonne.
Campé sur une rive de l’Orbieu, Guillaume les
attendait.
La bataille qu’il allait leur livrer était
inégale. Malgré des prouesses dignes de passer dans la légende, son armée
inférieure en nombre fut submergée et dut faire retraite en désordre, laissant
ses chariots aux mains de l’ennemi. Les Maures compensèrent leurs pertes par le
butin et la capture de centaines de prisonniers qu’ils allaient employer à
l’achèvement des travaux de la grande mosquée de Cordoue.
Mince consolation pour Guillaume :
l’ennemi, ayant perdu dans la bataille un de ses chefs les plus éminents, avait
reflué en Espagne plutôt que de s’attacher à sa conquête.
Persuadé que
Guillaume allait donner un coup d’arrêt à l’invasion, je n’avais pas attaché à
cette affaire l’intérêt qu’elle méritait et le regrettai amèrement. Il est vrai
que j’étais alors retenu en pays avar et que Pépin devait faire face à une
insurrection générale dans le duché de Bénévent.
La peine et l’humiliation qui m’accablèrent
n’avaient d’égales que celles que j’avais éprouvées en apprenant le désastre de
Roncevaux et la mort de Roland. J’en perdis le sommeil durant une semaine avant
de me décider, pour prendre ma revanche, à envoyer des colonnes franques
ravager les territoires ennemis autour de Saragosse. Si cette opération n’eut
rien de glorieux, en revanche elle me rapporta un butin qui compensait
largement celui que nous avions perdu à Carcassonne, et qui contribua aux
travaux de mon palais.
Quelques mois plus tard, une nouvelle me fit
fondre de joie : le jeune émir Hescham venait de disparaître à la suite,
j’imagine, d’une révolution de palais ; il cédait la place à el-Hakem, qui
allait avoir la tâche difficile de ramener l’ordre à Cordoue.
À peu de temps de
ces événements, je reçus la visite à Aix d’une ambassade mauresque menée par un
officier du palais, Zeid, qui se prétendait adversaire du nouvel émir.
Surprise : il venait me remettre les clés de Barcelone ! Cette ville
avait, pour nous comme pour nos ennemis, une importance stratégique
capitale : elle était un nid de pirates qui écumaient nos ports de
Septimanie et de Provence. C’est dire quelles perspectives favorables nous
ouvrait ce cadeau symbolique.
En vérité, j’aurais dû, connaissant la nature
versatile des Maures, m’assurer que ce présent ne cachait pas un piège.
Je confiai à Louis la mission de partir
aussitôt pour prendre possession de ce port de mer. Lorsqu’il y arriva, il
trouva portes closes et décida d’en faire le siège, après une procession,
cierge en main et litanies aux lèvres, le long des remparts. Le siège dura
trois mois et ne fut interrompu que par la famine qui accablait la population.
Louis ne parvint pas à capturer le traître Zeid, mais le butin qu’il récolta
compensait largement sa déception. Il m’adressa, avec un bulletin de victoire
plein d’emphase, les bannières vertes ravies à l’ennemi, dont je décorai une de
mes chapelles.
Je m’attendais à ce
que Louis, mettant à profit cette victoire, fît descendre son armée vers le
sud. Il préféra rester sur place, soit que cette ville lui plût, que le climat
lui fût favorable, ou (c’est le prétexte qu’il me fournit) pour relever
quelques défenses et en construire d’autres.
C’est dans sa nature d’être porté sur la
défensive plus que sur l’offensive, peut-être pour ne pas heurter ses
convictions religieuses. Ce ne sont pas les moines de son entourage qui
auraient pu faire évoluer son comportement.
Je dois convenir que, durant le temps qu’il
occupa cette ville et cette province, il en fit un bastion et une marche
capables de résister à l’assaut des Maures. D’autre part, et
Weitere Kostenlose Bücher