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La confession impériale

La confession impériale

Titel: La confession impériale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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lequel serait allé demeurer à la cour de
l’autre ? Je n’eusse pas supporté sa présence à Aix et serais mort d’ennui
ou d’un attentat à Constantinople !
    D’ailleurs, ne me suis-je pas fait le serment
de rester veuf jusqu’à ma mort, dans la seule compagnie de mes petites
maîtresses, en dépit des acrimonies de quelques bonnes âmes ?
    Le bel été allonge
ses journées, tire à sa fin, me baigne d’une suavité plus sensible avec l’âge
et donne parfois à mes siestes prolongées l’illusion que, ma tâche terminée, je
puis disparaître comme se dissipe un nuage.
    Charles se trouve à Rome. Le pape Léon,
troisième du nom, successeur d’Adrien, a requis sa présence pour l’aider à
faire litière des accusations contre les mauvaises mœurs qu’on lui impute.
Louis se trouve en Septimanie et dans les marches d’Espagne où les Maures de
Cordoue poursuivent leurs méfaits. Il a pris souci de son âme en faisant
édifier, dans une vallée sauvage, la basilique de Conques…

2
    Sans être plus superstitieux qu’il ne convient
de l’être – ne le sommes-nous pas tous plus ou moins ? –, je suis sensible
aux clins d’œil que me font certains signes. Matière à réflexion plus qu’à
décision, ils ne pèsent pas sur mes projets.
    Un matin d’été, il y a quelques années, lors
d’un séjour à Rome, je visitais à cheval les thermes de Dioclétien, à travers
des champs de ruines. Je laissai à ma suite le soin de disperser les mendiants
et les bancroches qui, à notre approche, sortaient de leur trou comme des rats
en chantant leurs litanies de la misère, pour poursuivre seul ma visite.
    J’arrêtai mon cheval sous un portique et
m’assis à l’ombre pour boire à ma gourde une eau tiède quand, au ras du sol,
entre moellons et pissenlits géants, une étincelle m’accrocha l’œil. Je me
penchai et extirpai du sol une pièce d’argent à demi enterrée, dont je grattai
les deux faces. Elles représentaient l’image d’un empereur dont je ne pus lire
le nom tant elle était usée.
    Je glissai ma découverte dans mon gousset et,
à mon retour en Francie, la montrai à Alcuin.
    — Sire, me dit-il, il s’agit d’une
monnaie de Byzance. Je reconnais l’image de l’impératrice Irène à ses lourds
pendentifs et à la croix qui figure sur le revers.
    Il ajouta avec un sourire :
    — Les âmes naïves pourraient y voir un
signe du destin. Peut-être est-ce l’annonce d’un mariage…
    Peu de temps après,
un de mes officiers, Walla, retour d’une tournée d’inspection à la cour de
Pavie, me rapporta un buste romain auquel ne manquait qu’une aile du nez.
    — J’ignore, me dit-il, de quel personnage
il peut s’agir. Si j’en crois le marchand qui me l’a vendu, ce buste serait
celui de l’empereur Auguste, qui passait en son temps pour le maître de
l’Occident. Ne trouvez-vous pas qu’il vous ressemble ?
    J’aurais pu déceler dans ce présent une
nouvelle manifestation du destin. Il ne manquait plus que les prophéties des
pythies de ma cour pour me convaincre de la fiabilité de ces signes et
confirmer l’imminence de ma dignité impériale !
    Je fis cadeau de la pièce d’argent à l’une de
mes plus expertes maîtresses, Régina, et plaçai le buste sur une console, dans
mon cabinet de travail, où j’avais tout loisir de l’interroger muettement.
    C’était une belle œuvre, comme on en trouvait
beaucoup à Rome et dans toute la Péninsule. Son marbre devenu grisâtre avait
été gratté pour effacer les scories du temps. Malgré le nez privé d’une narine,
il imposait par sa majesté mélancolique et troublait par l’interrogation qui
naissait de son regard vide, comme s’il appréhendait une horde de Barbares
déferlant des forêts de Germanie. Je caressais parfois cette carapace lisse et
froide comme si je cherchais sous elle la tiédeur vivante de la chair.
    Des sommités
étrangères se montraient parfois surprises de ne pas voir autour de moi des
représentations de ma personne. J’éclatais de rire et leur répondais qu’outre
que cela m’importait peu, je n’avais pas le culte de la personnalité poussé à
ce point, et que Dieu jugerait seul de mes mérites.
    Si j’accepte, non sans quelque réserve, la
vénération des images saintes, je ne tolérerais pas de me trouver constamment
sous le regard de mes effigies, comme dans un jeu de miroirs. À ma mort, on ne
trouvera dans mon palais d’Aix ni peintures ni bustes ni

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