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La confession impériale

La confession impériale

Titel: La confession impériale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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pour effrayer la bête.
    Un bref coup d’œil derrière moi allait me
convaincre que j’avais des spectateurs. Debout sur un tertre de bruyère, mes
Arabes m’encourageaient dans leur langue en brandissant leurs armes. Une
javeline partie de leur groupe glissa sur l’échiné de la bête et alla se ficher
dans le sable. Je leur criai de ne pas intervenir et de me laisser seul
affronter le jeune auroch.
    Je n’éprouvais aucun sentiment de peur, mais
une sorte de crispation de toute mon énergie et une détermination farouche de
poursuivre ce combat, quitte à y laisser ma vie. Une courte prière me vint aux
lèvres ; je n’eus pas le temps de l’achever.
    Je comptais sur la pente pour dissuader le
jeune mâle de m’attaquer. J’avais tort. En deux bonds, il était face à moi. Je
tentai de l’éviter, mais une corne acérée arracha le bas de ma robe, laboura
les jambières jusqu’au sang et fit voler mon brodequin. Des clameurs
d’épouvante retentirent sur le tertre. Quelques téméraires tentèrent de se
porter à mon secours, mais j’interrompit leur élan généreux.
    Dans ma chute, j’avais laissé tomber mon épée.
Le monstre la renifla et la piétina. Tandis que je me relevais après avoir
roulé sur le côté, il se jeta de nouveau sur moi. Je tirai mon coutelas et le
lui plantai à travers les naseaux. La douleur lui arracha un mugissement
lamentable, dans un jet de sang mêlé de bave.
    Il me fut difficile de retrouver mon épée, la
seule arme qui pouvait mettre mon adversaire à ma merci. Quand je l’eus de
nouveau en main, je profitai de ce qu’il secouât son mufle pour m’approcher,
comme pour le narguer. Nous restâmes quelques instants à nous observer,
conscients l’un et l’autre, semblait-il, que la fin de cet affrontement était
venue.
    Je profitai de ce qu’il avait la tête au ras
du sol pour m’avancer d’un pas et lui plonger mon épée dans ses flancs jusqu’à
la garde. Il fit un saut et retomba lourdement sur ses pattes. Je croyais en
avoir fini quand, avec un beuglement rauque, il tenta une ultime charge. Je
parvins à lui planter mon coutelas dans le garrot. Il sursauta, plia ses genoux
avant et se renversa avec une plainte déchirante.
    Un concert de louanges retentit à mes
oreilles. Mes compagnons m’entourèrent et me complimentèrent dans leur
charabia, disant que c’était un exploit digne d’Hercule, comme si je venais de
vaincre l’hydre de Lerne ! Le médecin dont j’avais pris soin de nous faire
accompagner s’empressa de libérer ma jambe blessée, de nettoyer la plaie et de
l’oindre d’un onguent.
    Je laissai à mes piqueux le soin de débiter
sur place des monceaux de viande fraîche et de les remonter pièce à pièce
jusqu’à notre camp. Ils furent accueillis par des clameurs joyeuses. Je me
réservai la tête, dans l’intention de faire naturaliser ce trophée pour
l’accrocher dans la grande salle de mon palais. Ce jeune bœuf sauvage, qui
avait courageusement défendu sa vie, méritait cet honneur.
    Je laissai mes compagnons de chasse se
distraire avec un gibier moins dangereux. Ils rapportèrent au camp, à la tombée
de la nuit, deux oursons d’un an, un sanglier et quelques marmottes.
    Ce soir-là, nous fîmes bombance. J’avais
apporté dans mes chariots quelques barillets de vins du Rhin et de la Moselle,
dans l’intention provocatrice de faire renoncer mes mahométans, pour une nuit,
aux interdits absurdes de leurs Écritures de consommer des boissons fortes. Ils
manifestèrent quelque réserve, mais je leur fis comprendre qu’ils trahiraient
nos bons rapports s’ils refusaient de trinquer avec moi. Après avoir trempé les
lèvres dans leur coupe, ils renoncèrent à leurs préventions. Une partie de la
nuit se passa à mêler chansons franques et mélopées de l’Islam. Ils
s’accompagnaient, pour chanter et danser, d’instruments bizarres et, dans leurs
ballets lents et majestueux, restaient accrochés les uns aux autres. Le reste
de la nuit, il semblait qu’une tempête intérieure agitât leurs tentes…

4
    Les envoyés du calife n’allaient pas repartir
sans que je leur eusse témoigné ma reconnaissance. Je leur offris, à
l’intention de leur maître, quelques cavales de mes élevages, dix molosses de
chasse, et fis entasser dans leurs chariots des barriques de vin de la
Burgondie, en précisant qu’il s’agissait d’« un remède contre la
mélancolie » auquel ce prince était sujet.
    Ma dignité

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