La confession impériale
demeures
s’étaient lézardées.
J’avais bientôt quitté Rome en y laissant
quelques présents : une table d’argent, des vases, une patène, trois
calices en métaux précieux, une croix de procession incrustée de perles rares
et un évangéliaire réalisé dans mon scriptorium.
Une agréable
nouvelle m’attendait à Aix.
Une de mes concubines, Régina, avait donné
naissance à un mâle né de mon sang, qu’elle avait prénommé Drogon. J’éprouvai
moins de plaisir en apprenant que ma petite Rothilde, fille de Maltegarde,
devenue nubile, avait été demandée en mariage par le maître de mon chenil,
Garin. Je refusai d’accorder mon consentement à ce que je considérais comme une
mésalliance. Je consolai ma fille en lui offrant une monnaie d’or de l’empereur
Julien, enchâssée dans une grosse agate.
Je trouvai dans mon courrier une lettre de
l’impératrice Irène. Il me fut agréable qu’elle me félicitât de mon accession à
la dignité impériale, mais beaucoup moins que cette vieille guenon renouvelât
ses projets d’union matrimoniale. Elle réitérait cette utopie : voir nos
deux empires, réunis sous une même couronne, dominer le monde !
J’approchais soixante ans et elle avait passé la cinquantaine. Je lui répondis
qu’à notre âge on ne construit plus, mais que l’on se contente de consolider.
Une autre missive,
venue d’Afrique, me réconforta.
J’avais sollicité de l’émir Ibrahim la
restitution des restes de quelques martyrs de la foi, notamment Cyprien,
suppliciés dans les environs de Carthage, pour les faire inhumer en terre
chrétienne. Non seulement l’émir accéda à ma requête, mais il sollicita mon
amitié et mon alliance. Des présents étaient joints à son ambassade : un
lion de Libye, un ours de Numidie, des coupons de pourpre de Tyr, des parfums…
À quelque temps de là, partagé entre
soulagement et tristesse, j’appris qu’Irène, destituée, avait été reléguée dans
l’île grecque de Lesbos. Le nouveau basileus, Nicéphore I er ,
manifesta de bonnes dispositions à mon égard en me proposant un traité de paix
entre nos deux empires. J’étais rassuré du côté de l’Orient.
En revanche, les
affaires d’Espagne me créaient des soucis.
En dépit de la prudence de Louis et de la
fougue de Guillaume de Toulouse, la situation périclitait du fait des attaques
incessantes des Maures de Cordoue. Ils avaient repris Barcelone et menaçaient
la Narbonnaise d’une nouvelle invasion. À chacune de leurs incursions sur nos
marches, c’était le même spectacle désolant : moissons incendiées, vignes
déracinées, villages rasés, population emmenées en esclavage dans de vastes
domaines d’Andalousie…
L’année qui suivit
mon couronnement, au mois de juin, je convoquai à Toulouse une assemblée de mes
vassaux d’Aquitaine et de Provence, afin de solliciter leur aide dans une
opération de grande envergure destinée à mettre fin aux méfaits des Maures.
L’objectif principal portait sur la reprise de
Barcelone, avec comme corollaire la capture de ce traître, Zeid, qui persistait
à nous narguer.
J’adjoignis à notre armée des contingents de
Burgondes et de Gascons. Guillaume, qui en prit la tête, s’entoura de chefs
prestigieux : Loup-Sanche le Basque, Rostain de Gérone, Béra de Narbonne…
Louis veillerait aux frontières de la Septimanie à la tête des troupes de
réserve.
Neuf mois allaient être nécessaires avant que
Barcelone, réduite à la famine et à la soif, nous ouvrît ses portes. Restait à
prendre une autre place, d’un grand intérêt stratégique : Tortose, une cité
du sud de Barcelone, dans le delta de l’Èbre. Une importante expédition serait
mise sur pied pour la soumettre, des années plus tard.
3
Mon âge avancé ne m’interdisait pas ce plaisir
suprême : la chasse. J’avais renoncé à traquer le menu gibier, que je
laissais aux dames de ma maison, lesquelles en usaient sans modération.
Je marquais une prédilection pour le gros
gibier : sanglier, ours, auroch, malgré les dangers que cela comporte.
Quelques-uns de mes compagnons y avaient laissé leur vie par manque de prudence
ou par forfanterie.
Cela va sans dire, c’était moins pour procurer
de la venaison à l’office que pour l’âpre plaisir que je tirais de ces
expéditions. J’aimais me sentir environné de solitudes sauvages, sentir la
présence des fauves, devoir affronter ces monstres à armes égales ou
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