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La confession impériale

La confession impériale

Titel: La confession impériale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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peu s’en
faut. J’avais une forte lance et un coutelas, mais eux leurs griffes, leurs
cornes et leurs mâchoires puissantes. Je devinais une sorte de communion, sous
le signe du sang, venue du fond des âges, entre cette faune et moi. Il y avait
de ma part un défi qui répondait à leur instinct de survie face à un prédateur.
    J’avais promis aux
envoyés du calife de Bagdad une chasse aux aurochs qui hantaient les forêts
ardennaises.
    Mes piqueux avaient repéré une harde d’une dizaine
de têtes dans une profonde vallée du sud de Liège, autour d’un lac. Je montai
une expédition digne par son importance et son armement d’une attaque de
position saxonne, au temps des guerres de pacification. Rien n’y
manquait : chariots de vivres, matériel de couchage, fanfare de cuivres…
J’avais même embarqué dans nos véhicules quelques accortes esclaves pour donner
aux nuits de mes compagnons un avant-goût du paradis d’Allah.
    Il nous fallut une
journée pour arriver dans les parages du troupeau, étudier l’environnement,
dresser nos tentes, préparer les feux pour cuire notre repas… Le temps de ce
jour de mai était radieux. L’orage qui avait éclaté dans la matinée faisait
étinceler la forêt et monter de la vallée des brumes irisées.
    Non sans peine, j’étais parvenu à convaincre
mes compagnons de se défaire de leur tenue de parade pour en revêtir une plus
propice à la chasse : broigne de cuir, culottes de peau, jambières à
bandelettes… Ils avaient l’habitude de la chasse dans le désert ; celle
que je leur proposais risquait de les déconcerter.
    À la pointe du jour,
aidé par mes piqueux à qui cette chasse était familière, je répartis les
groupes au bas des dernières pentes et, avec deux de mes aides, j’effectuai une
reconnaissance jusqu’au bord du lac.
    Immobiles comme des statues, les aurochs
semblaient nous attendre. Nous nous approchâmes d’une cinquantaine de pas pour
dénombrer leur harde et fixer notre choix. Il y avait, outre des mâles de
taille impressionnante, quelques femelles aux pis lourds, entourées de leurs
petits. Le vent nous était favorable, si bien qu’ils ne nous repérèrent pas
sur-le-champ. Nous pouvions déjà, quant à nous, respirer leur odeur mêlée à
celle de la bouse et des eaux mortes. J’éprouvais l’impression récurrente de me
trouver à la lisière d’une forêt de Saxe, avant l’attaque d’un village ennemi.
    Handicapés par leur vision défaillante, ces
monstres sont néanmoins difficiles à approcher du fait qu’ils ont l’ouïe et
l’odorat sensibles. Malgré les précautions que nous avions prises pour cette
approche, je craignais pour mes compagnons une de ces charges brutales qui,
l’année passée, m’avait enlevé un de mes officiers et en avait blessé
grièvement deux autres.
    Nous étions, mes
deux piqueux et moi, à une dizaine de pas du bord marécageux, envahi par une
roselière, dissimulés derrière des genêts, quand nous vîmes une jeune femelle
suivie de son bouvillon s’avancer vers le ruisseau qui servait de déversoir
naturel au lac. Ils étaient passés si près de nous que leur odeur, de même que
leur souffle puissant, nous étaient sensibles. Nous ne fîmes pas usage de nos
armes. J’avais porté mon dévolu sur un mâle d’environ cinq ans, qui les suivait
de quelques pas.
    Malgré mes consignes, un homme du groupe posté
à quelques pas de nous ne put résister au plaisir de montrer son talent de
tireur et de faire la première victime. Je vis avec colère le jeune mâle, une
flèche plantée dans l’épaule, se mettre à tourner sur lui-même en beuglant
comme pour s’en débarrasser, avant de nous charger.
    Mes deux piqueux prirent le large, me laissant
seul pour recevoir la charge et l’éviter aux maladroits qui avaient eux-mêmes
décampé.
    Je me dressai hors de ma cachette et tirai mon
épée. Le monstre marqua un arrêt. Je crus qu’il allait se retirer, mais il
gratta furieusement le sable avec ses sabots de devant, avec un rauque
mugissement dans la gorge, puis se rua sur moi.
    Je l’évitai d’un saut sur le côté et lui
entaillai le garrot, ce qui, au lieu de le faire reculer, ne fit que
l’exaspérer. Nous restâmes un court moment à nous mesurer du regard, lui
grattant toujours le sol et donnant des coups de tête pour arracher la flèche. À
une dizaine de pas, le long de la pente, mes piqueux me conjuraient de renoncer
et faisaient des gestes dérisoires

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