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La cote 512

La cote 512

Titel: La cote 512 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thierry Bourcy
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courait derrière lui. Paul de Mérange fut bientôt à ses côtés.
    — Je ne suis pas resté non plus, elle n’avait pas le cœur à me recevoir ce soir. Merci en tout cas pour ce que vous avez fait pour elle.
    — J’ai fait le flic, ça ne me change pas.
    Ils marchèrent un moment en silence, puis Paul se décida à parler.
    — Vous devez me trouver un peu culotté, non ?
    — Je ne me suis pas posé la question.
    — C’est ma faiblesse, voyez-vous : j’ai besoin d’une présence féminine, j’ai besoin de la douceur d’une peau, des formes d’un corps de femme. Je ne peux pas m’en passer longtemps. Ce qui ne m’empêche pas d’aimer ma femme, mais je l’aime à ma façon. Elle-même ne me comprend sans doute pas.
    — Et sur le front, comment ferez-vous ?
    — Sur le front, monsieur Louise, nous n’aurons qu’une seule obsession : sauver nos vies.
    — On dirait que vous avez déjà fait la guerre.
    — Mon oncle était soldat, il en parlait bien, avec lucidité et juste ce qu’il fallait de fierté. Même si la guerre est courte, elle fera de nous des hommes différents.
    Célestin partageait cette opinion, qu’il n’aurait cependant jamais eu l’idée d’exprimer de cette façon. Les deux hommes se séparèrent, le lieutenant, après ses confidences, s’était enfermé dans un silence distant. Célestin le salua et rentra au lycée de filles.
    La première mission officielle du 134 e d’infanterie eut plus à voir avec le maintien de l’ordre qu’avec la guerre. Un convoi de prisonniers allemands, le premier, allait traverser la ville, pour gagner un camp situé dans le massif central. La nouvelle, sans doute répandue par les cheminots, avait couru la ville comme une traînée de poudre et, plus de deux heures avant le passage du train, la foule s’entassait déjà sur les quais et sur deux passerelles qui enjambaient les voies, au risque de les faire écrouler. La section de Célestin fut désignée pour occuper la gare et maintenir la sécurité le long des rails. Engoncé dans son uniforme mal coupé et trop lourd, son fusil à la main, Célestin suivit les autres et traversa la ville au pas de charge. Un homme à cheval les rejoignit et les fit arrêter à quelques centaines de mètres de la gare. C’était le lieutenant de Mérange.
    — Soldats, c’est moi qui vais désormais commander votre section. Nous avons aujourd’hui ordre de maintenir la foule à distance du convoi de prisonniers, en évitant tout accident.
    — Ça va pas être facile, mon lieutenant, s’inquiéta un soldat, les gens sont drôlement remontés !
    — C’est normal, dit un autre, les Boches coupent les mains des enfants et les portent autour du cou.
    — Vous en connaissez plus que moi, monsieur, sur les mœurs de nos ennemis, lança Mérange. Mais quoi qu’il en soit, nous avons ordre de protéger ce convoi et d’éviter tout débordement. Et songez qu’en ce moment même, certains de vos camarades sont captifs en Allemagne : il est normal de traiter nos prisonniers comme nous souhaitons que soient traités les leurs.
    Lucien Flachon, un gros type barbu aux petits yeux porcins, se pencha vers Célestin :
    — Il paraît que les Boches se déguisent en infirmières pour venir achever les blessés sur le champ de bataille. Ça, faut le faire, non ?
    Célestin, abasourdi, ne répondit pas. On s’était
    remis en marche. Il fallut se frayer un chemin à travers une foule hostile qui s’écartait quand même, à regret, pour laisser passer les soldats. Des cris fusaient.
    — Vous êtes là pour protéger les Boches ou pour leur faire la guerre ?
    — On va pas leur payer des vacances, aux Boches !
    — Il faut leur faire la peau !
    À travers ce convoi, c’était comme une présence tangible de la guerre et chacun désirait se montrer, à bon compte, héroïque. C’était l’assaut des petits commerçants, la charge des boutiquiers, l’abordage des bourgeois de province. Des adolescents s’étaient armés de pierres ou de boulons, un homme brandissait même un sabre sous le sourire fier et indulgent de sa femme enchapeautée. La section de Célestin prit place le long du quai, repoussant avec la crosse des fusils les badauds les plus agressifs. Mérange, descendu de cheval, discutait avec le chef de gare. On entendit soudain un coup de sifflet cependant qu’apparaissait au loin, tout au bout des voies, le nuage de vapeur d’une locomotive.
    — Les voilà !

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