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La cote 512

La cote 512

Titel: La cote 512 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thierry Bourcy
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de ça qu’il s’agit, murmura un autre type de la section, Pierre Peuch, un grand brun aux yeux bleus, au visage coupé au couteau.
    — En attendant, je crois que je vais me piquer un petit roupillon, ça peut pas faire de mal, annonça Flachon.
    De fait, quelques minutes plus tard, il ronflait comme un sonneur. Le petit groupe s’était soudé au gré des exercices et des manœuvres des semaines précédentes, mais il restait entre eux une sorte de pudeur, c’était comme s’ils attendaient tous de se voir au combat, inquiets non pour les autres, mais pour eux-mêmes, pour leur propre comportement devant l’ennemi. Ils n’osaient pas encore n’avouer l’un à l’autre leur peur, et de ce secret qu’ils partageaient sans le savoir naissait une gêne qui les poussait tantôt à plaisanter, tantôt à détourner les yeux et à se murer dans le silence. Béraud tira la dernière bouffée de sa cigarette qu’il écrasa soigneusement sur la semelle de sa chaussure.
    — C’est vrai que germain, ça veut dire boche ?
    Le pauvre type semblait honteux d’un prénom
    qu’il n’avait pas choisi et qui, brusquement, lui posait un grave problème.
    — Réfléchis, lui répondit Célestin : la Germanie, c’est l’ancien nom de l’Allemagne.
    — On dit pas l’Allemagne, on dit la Bochie, cria une voix.
    — Alors c’est vrai, germain, c’est boche, conclut tristement le pickpocket.
    — C’est pas grave, on t’appellera par ton nom.
    Béraud hocha la tête, ça lui allait bien comme ça. Bientôt, les cahots du train eurent raison de leur énergie et la plupart des soldats s’endormirent. Célestin pensait à Joséphine, et le souvenir de sa nuit d’amour le gardait éveillé. Comme ils remontaient vers le nord, le soleil fit son apparition, découpant un rectangle lumineux sur la capote d’un des endormis. De temps en temps, l’ombre d’un arbre venait y faire une brève caresse. La personnalité du lieutenant de Mérange tracassait aussi Célestin : après tout, il serait un de ceux qui commanderaient à leurs destinées, dans les prochaines semaines, ou les prochains mois si la guerre durait un peu. Pouvait-on compter sur un homme qui, à peine marié, se jetait dans les bras d’une autre femme seulement pour calmer son angoisse ? Pourtant, le jeune policier ne pouvait s’empêcher d’éprouver de la sympathie pour lui. Et puis n’était-il pas directeur d’entreprise ? Il avait au moins le sens des responsabilités. Célestin regarda autour de lui ses compagnons assoupis, il éprouva brusquement pour eux une grande amitié et, dans ce wagon qui sentait encore l’étable, et qui les emmenait au combat, il se sentit pour la première fois faire vraiment partie d’une armée.
    Le train fit plusieurs haltes, mais personne ne regarda au-dehors. Au début, ils dormaient, ensuite on eût dit qu’ils étaient gagnés par une sorte d’indifférence : ils allaient se battre, qu’importait le trajet ? La faim, pourtant, avait fini par les réveiller les uns après les autres, une faim qu’ils trompaient en fumant ou en buvant à leurs gourdes que les plus malins avaient remplies d’alcool. La plupart râlaient, furieux d’être traités « pire que des bêtes », comme le grognait Flachon. Enfin, comme un arrêt se prolongeait, Fontaine alla jeter un coup d’œil par la petite fenêtre.
    — Hé, les gars, on est à Compiègne !
    — Ça nous fait une belle jambe, mon pote.
    — Attends, y’a un fourrier qui s’amène.
    — Ben c’est pas trop tôt !
    La lourde portière coulissa et deux soldats poussant un chariot leur lancèrent quelques miches de pain avec un peu de fromage et du vin rouge. Les occupants du wagon manifestèrent leur mauvaise humeur, on se fichait d’eux, c’était tout juste un hors-d’œuvre.
    Tu ferais mieux de te calmer, Flachon, rigola Fontaine, c’est que le début de la faim, F‑A‑I‑M.
    — Qu’est-ce que tu racontes ? Et d’abord, j’ai pas d’orthographe, mais j’ai les crocs !
    N’empêche, ils ne laissèrent rien perdre. Célestin était descendu sur le quai et mangea sa ration assis sur un banc. Deux officiers s’approchèrent et se plantèrent devant lui. Comme il ne réagissait pas :
    — Il faudra apprendre à saluer, mon garçon.
    Célestin se leva brusquement et fit le salut
    réglementaire.
    — Bien, mon capitaine. Excusez-moi, mon capitaine.
    L’officier le toisa, puis s’éloigna, maussade.
    — Et

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