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La cote 512

La cote 512

Titel: La cote 512 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thierry Bourcy
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en fouillant la campagne, ou amoureux d’une bergère qu’ils allaient rejoindre en secret, se faisaient souvent arrêter et emprisonner par les gendarmes. Il y avait eu des bagarres, de la violence. On avait même retrouvé un pandore pendu aux branches d’un chêne. Depuis, ils s’étaient calmés, mais, dès qu’ils pouvaient attraper un déserteur, ils ne lui faisaient pas de cadeau. Les gendarmes indiquèrent à Béraud le chemin de l’état-major qui avait pris ses quartiers juste avant Soissons, au hameau de Vénizel. En suivant le canal, ils étaient sûrs d’y arriver. Chemin faisant, Célestin peaufinait son plan.
    — Tu me livres au commandement. Si je manigance bien mon affaire, ils vont me relâcher : il n’y a pas de rapport écrit, pas de témoignage.
    — Ils vont vous prendre pour un fou !
    — J’espère bien. Il faudra repérer tout de suite l’armurerie. J’y passerai avant de repartir. Toi, il faut que tu te débrouilles pour t’infiltrer dans les bureaux. Ils doivent centraliser tous les rapports avant d’écrire aux familles des morts. Et il y a sûrement aussi un endroit où ils rangent les effets personnels, il faut que tu retrouves le dossier du lieutenant de Mérange.
    — Vous en avez de bonnes ! Et d’abord, comment que vous savez tout ça ?
    — Je connais la bureaucratie. L’armée, c’est comme la police : pour un poilu qui fait son devoir et va risquer sa peau dans la tranchée, tu as deux embusqués dans les bureaux, le cul bien au chaud sur leurs fauteuils, et qui font tout pour te rendre la vie impossible. Qui dit état-major dit bureaux, et qui dit bureaux dit embusqués et parasites de tous poils. Il y en a forcément qui s’occupent de faire la liste des morts et de récupérer les rapports, comme ça ils peuvent faire des statistiques. Les statistiques, c’est la jouissance des cols blancs !
    — N’empêche, c’est pas gagné d’avance !
    — Heureusement, sinon ce serait pas drôle.
    — Mais pourquoi que vous leur expliquez pas tout, plutôt, aux généraux de l’état-major ?
    — Parce qu’ils ne comprendraient rien. Toi-même, est-ce que tu me comprends ?
    — Je ne sais pas trop. Disons que je me doute.
    Célestin ne put s’empêcher de sourire. En quelques semaines, Germain avait changé. Les grandes catégories qui, jusqu’ici, avaient encadré sa vision du monde, riches, pauvres, gendarmes, voleurs, savants, ignares, s’étaient profondément modifiées au contact des tranchées et des combats, emportées par la fraternité des soldats et l’omniprésence du danger et de la mort. Son regard, sans doute, était resté curieusement candide, celui d’un voleur à la petite semaine, mais il ne portait plus de jugement sur ceux qu’il rencontrait, il ne cherchait plus à justifier ses larcins d’autrefois par une rancœur permanente contre le monde entier. Sans doute, comme il le prétendait, ne reprendrait-il jamais ses activités illicites, non par goût subit de l’honnêteté, mais par scrupule d’ajouter encore au malheur.
    Les deux hommes profitèrent du pont mobile d’une petite écluse pour traverser le canal. La ville de Soissons s’étendait sur leur gauche, à droite une petite route partait pour Vénizel. Ils commencèrent à croiser des agents de liaison à bicyclette, des officiers à cheval, un camion transportant des soldats gueulards à la ville et même un général à l’arrière d’une vaste limousine conduite par un chauffeur en uniforme. Tout le hameau avait été aménagé comme une immense caserne. Une grande ferme servait à loger le général et ses aides de camp. Dans la salle du bas se tenaient les réunions stratégiques. Deux autres bâtiments abritaient les différentes administrations. Une grange fermée avait été transformée en atelier d’armurerie. On trouvait plus loin les stocks d’armes et de munitions, l’intendance, un garage automobile, un centre de communication et le mess. Enfin, du côté de la ville, une étable tenait lieu de prison. Au planton qui montait la garde à l’entrée, Béraud exposa tant bien que mal son cas. L’affaire était peu commune. Le planton appela son adjudant qui prévint un lieutenant qui avertit un capitaine qui emmena les deux hommes dans un petit bureau encombré de dossiers et de paperasses. Il considéra un moment ces deux soldats crottés, boueux, exténués, qui lui arrivaient du front dans des circonstances extravagantes. Célestin,

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