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La cote 512

La cote 512

Titel: La cote 512 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thierry Bourcy
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toujours menotté, soutenait son regard. L’officier soupira.
    — Je ne comprends rien à votre histoire.
    — C’est pourtant simple, mon capitaine, expliqua Louise : je dois passer en conseil de guerre.
    — Vous dites ça comme si c’était une visite médicale. Vous vous rendez compte de la gravité d’une telle affaire ?
    Il se tourna vers Béraud, qui n’en menait pas large.
    — Vous avez un rapport ? Un papier de votre supérieur ?
    — L’adjudant Charic est mort juste après, mon capitaine.
    — Juste après quoi ?
    — Juste après m’avoir condamné, intervint Célestin.
    — À quel motif ?
    — Au motif que j’avais déserté.
    — Vous aviez déserté, mais vous étiez revenu, c’est ça ?
    — Exactement, mon capitaine.
    — Et vous étiez parti où ?
    — Chercher le corps du lieutenant de Mérange, qui commandait la section avant l’adjudant Charic.
    — Mais c’est tout à votre honneur, soldat Louise. Vous êtes allé le chercher sur le champ de bataille ?
    — Non, mon capitaine : à la fosse commune.
    Un air d’indicible incompréhension vint bouleverser les traits de l’officier. Il fit signe à Béraud de lui donner les clefs des menottes et de sortir, et resta seul en face de Célestin.
    — Maintenant, expliquez-moi calmement : qu’est-ce que vous lui vouliez, à ce lieutenant ? Pourquoi aller chercher son corps à la fosse commune ?
    — Parce que je voulais vérifier qu’il avait bien reçu une balle dans le dos, mon capitaine.
    — Une balle dans le dos ? Vous voulez dire que…
    — Qu’il a été assassiné, mon capitaine. Le lieutenant a été tué par quelqu’un de notre côté.
    Le capitaine s’assit, remua quelques feuilles de papier, prit une règle en fer, la reposa.
    — Qu’est-ce que vous faites dans le civil, soldat Louise ?
    — Je suis inspecteur de police, mon capitaine.
    Pour la première fois depuis le début de cet entretien surprenant, une petite lueur se mit à briller dans les yeux du capitaine. Il pointa sa règle sur Célestin.
    — Nous sommes en guerre, monsieur l’inspecteur de police. Ici, vous êtes un soldat comme les autres. Chaque mort fait l’objet d’un rapport rédigé par son supérieur et vérifié par l’état-major, c’est à dire moi-même. C’est nous, et personne d’autre, qui diligentons, si nécessaire, une enquête. À ma connaissance, la mort du lieutenant de Mérange n’a donné lieu à aucun rapport particulier. Il est mort en héros au cours d’une attaque dans des circonstances précises et claires que nous communiquerons à sa famille. Vous n’êtes plus dans la police, vous appartenez à l’armée. Votre désertion, même momentanée, n’est motivée en aucune façon. Mais vous avez de la chance, et je vous crois honnête, votre présence ici m’en est un gage : l’adjudant Charic n’ayant rédigé aucun rapport, je vais vous relâcher et vous allez retourner dans votre compagnie. Mais je ne veux plus entendre parler de vous ni d’une quelconque enquête. C’est compris ?
    — C’est compris, mon capitaine.
    L’officier se leva, ouvrit les menottes et libéra Célestin.
    — Merci, mon capitaine.
    — Ne me remerciez pas, et faites votre devoir comme le lieutenant de Mérange a fait le sien.
    — Je vous le promets, mon capitaine.
    — Allez, rompez.
    Célestin salua et quitta le bureau. Dehors, sous le ciel noir, c’était le va-et-vient des ravitailleurs, des camions d’armes, des officiers d’ordonnance et des bureaucrates de tout poil qui avaient réussi à se faire pistonner à l’état-major pour éviter l’enfer des tranchées. Après avoir demandé son chemin à un palefrenier qui menait par la bride deux magnifiques alezans au pelage impeccable, Célestin se trouva devant l’atelier d’armurerie. La porte de la grange était ouverte. Il entra. Deux grosses machines d’alésage avaient été installées au centre de l’espace. Sur la droite, un immense établi sur lequel avait été renversée une mitrailleuse Hotchkiss. Tout le mur du fond était occupé par des râteliers où des rangées de fusils attendaient d’être réparés. À gauche, des sacs de sable empilés formaient un mur dans lequel un gros costaud qui avait revêtu un tablier de cuir sur son uniforme s’apprêtait à tirer à l’aide d’un prototype surprenant : un fusil-mitrailleur. Un chargeur demi-circulaire situé dans la partie basse de l’arme apportait les

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