La Cour des miracles
Fontainebleau.
– Sire, dit froidement Monclar, vous êtes le maître. Mais je demanderai simplement à Votre Majesté de quel moine elle a voulu parler tout à l’heure ?
– De M. de Loyola, dit sèchement François I er . Nierez-vous que vous avez surtout voulu lui faire plaisir en attaquant la Cour des Miracles ?
– J’ai surtout voulu défendre l’autorité royale, sire !
– C’est possible, mon bon Monclar. Mettons que vous ayez eu raison. Mais vous n’avez pas réussi, n’en parlons plus.
Le grand prévôt se demandait d’où venait cette bienveillance extraordinaire du roi.
Il s’était attendu à un grand éclat de fureur. Et le grand éclat se résumait en une petite semonce politique.
– Que peut-il bien méditer ? se demanda-t-il.
– Monclar, reprit le roi après un silence, vous occupez-vous de retrouver la duchesse de Fontainebleau ?
– Oui, sire. Je crois être sur une bonne piste.
– Vraiment !…
– Tout au moins sur la piste des personnes qui ont fait sortir du Louvre la jeune duchesse de Fontainebleau.
– Eh bien, quand vous aurez trouvé, vous me le direz, fit tranquillement le roi. Quant à la duchesse, ne vous en inquiétez plus, elle est retrouvée. A propos, Monclar, je pars demain pour Fontainebleau. N’oubliez pas de m’envoyer tous les matins un courrier pour me tenir au courant de ce qui se passe dans Paris. Allez, mon cher Monclar… allez…
Le grand prévôt s’inclina et se retira en songeant : Les truands vainqueurs, la petite duchesse retrouvée sans mon aide, double défaite pour moi ! Le roi ne m’emmène pas à Fontainebleau. Je suis en disgrâce… Allons voir M. de Loyola !
Le lendemain matin, Alais Le Mahu se leva tout joyeux et fit une toilette soignée, s’apprêtant à se rendre chez M. de Monclar pour avoir son bon de mille écus, et de là passer chez M. le trésorier du roi.
Les pensées de Le Mahu étaient couleur de rose.
Ayant achevé de s’apprêter, l’officier allait sortir et ouvrait sa porte lorsqu’il se trouva nez à nez avec une femme encapuchonnée qu’il crut reconnaître.
– Vous sortiez ? fit la femme.
– La duchesse d’Etampes ! s’écria intérieurement Le Mahu.
Et à haute voix, il ajouta :
– Excusez-moi, madame ; je sortais, en effet, et comme c’est pour le service du roi, il m’est impossible de retarder…
– Allons donc ! même pour moi ? s’écria la duchesse qui laissa tomber son capuchon.
En même temps, elle entra dans le logis, poussant devant elle Alais Le Mahu, et refermant la porte.
– Ah ! madame, s’écria l’officier, si j’avais su que, ce fût vous !… Vous savez bien que votre service passe avant celui du roi lui-même !… Mais daignez vous asseoir…
Rapidement, Le Mahu s’était assuré que sa dague était bien à sa ceinture.
– Or ça, dit la duchesse, expliquez-moi comment la jeune fille que nous avons conduite chez la folle est revenue cette nuit au Louvre.
– Madame, vous m’en voyez moi-même tout surpris.
– Vraiment, mon bon Le Mahu ?
– C’est comme j’ai l’honneur de vous l’affirmer.
– Vous mentez avec une rare impudence, mon cher.
– Je vous jure, madame…
– Tenez, je vais être plus franche que vous, moi. Sachez donc, mon brave, que cette nuit même, j’ai reçu la visite de M. le grand prévôt qui m’est venu voir en sortant de chez Sa Majesté.
Le Mahu pâlit et commença à se rapprocher doucement de la porte.
– Ne vous sauvez pas, dit la duchesse. Auriez-vous peur de moi, par hasard ?
– Oui, madame, répondit simplement Le Mahu.
La réponse était si imprévue que la duchesse, pour la première fois, regarda le brave d’un certain air d’intérêt.
– Et qui vous fait peur en moi ? fit-elle en souriant.
– En vous, madame, rien ! Mais j’ai appris certaine histoire de fruits que la pauvre M me de Saint-Albans aurait mangés ; après quoi, elle aurait été prise de coliques !
– Vous perdez la tête, M. Le Mahu, fit la duchesse avec une sévérité qui rassura plutôt Le Mahu. Laissons de côté vos histoires de peur et de fruits. Si je vous voulais du mal, je vous aurais fait saisir cette nuit et jeter dans une oubliette…
– C’est juste ! pensa Le Mahu tout à fait rassuré.
– Donc, reprit la duchesse, M. de Monclar m’est venu voir et m’a appris une chose qui m’a fort donné à penser : c’est qu’il avait ordre du roi de faire établir
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