La couronne dans les ténèbres
château et qu’il réclamait donc une escorte composée de Sir James Selkirk et de quelques soldats. Tard dans l’après-midi, Ranulf revint avec Sir James et une petite troupe de cavaliers, et, sans plus attendre, Corbett sella sa monture et partit pour le château. Sir James engagea une conversation sur le mode badin en demandant à Corbett s’il voulait à nouveau profiter de son hospitalité. Lorsque Corbett répliqua que son hospitalité n’avait d’égale que son savoir-vivre, le chevalier tomba dans un silence morose.
Au château, on conduisit immédiatement Corbett aux appartements de l’évêque. Wishart l’y attendait, assis derrière sa longue table de bois poli presque comme s’il n’en avait pas bougé depuis la dernière fois que Corbett l’avait vu. A ses côtés se trouvait un homme grand et maigre, à l’allure ascétique, revêtu de l’habit noir et brun des franciscains, le père John, supposa immédiatement Corbett.
— Entrez, Messire, lança l’évêque en faisant signe à Corbett et Ranulf de s’asseoir sur le banc devant sa table. Pourquoi cette brusque requête et pourquoi cette urgence ?
— Messire, répondit Corbett sans prendre la peine de s’asseoir, j’aimerais demander au père John, que voici, je suppose, pourquoi le défunt roi voulait l’envoyer à Rome.
Le franciscain se passa la langue sur les lèvres et jeta un coup d’oeil de côté à l’évêque.
— Messire, murmura-t-il, il m’est impossible de répondre ; cet entretien a eu lieu sub sigillo, sous le sceau de la confession. Je ne peux rien dire à personne. Même le Saint-Père ne peut exiger cela.
L’évêque pinça les lèvres en hochant la tête et interrogea Corbett du regard.
— Mon père, répliqua Corbett, je connais le droit canon et je sais aussi qu’il est basé sur la justice de Dieu. Je ne veux vous obliger ni à rompre le secret de la confession ni à violer votre conscience, mais, poursuivit-il en se tournant impatiemment vers l’évêque, j’aimerais, si Monseigneur le permet, vous parler seul à seul et vous poser une unique question. Si je me trompe, vous pourrez ne rien me dire et je vous jure de ne rien vous demander de plus.
Wishart se tourna vers le franciscain qui déglutit nerveusement et fit signe qu’il acceptait. L’évêque regarda Corbett en haussant les sourcils et l’autorisa, d’un geste, à agir comme il l’entendait. Ranulf vit son maître et le frère se diriger vers le fond de la salle. Corbett chuchota quelques mots, le franciscain lui jeta un rapide coup d’oeil :
— Sic habes, dit-il en citant l’expression latine. Tu as deviné.
Corbett revint, en souriant, s’asseoir sur le banc tandis que le père John s’inclinait devant Wishart et quittait la pièce sans un mot.
L’évêque dévisagea Corbett, l’air intrigué.
— Que vous a-t-il dit ? demanda-t-il.
— Pour l’instant, Monseigneur, je préfère garder le silence. Mais pourriez-vous me raconter les circonstances de la mort d’Erceldoun ?
L’évêque fouilla parmi les rouleaux de parchemin qui encombraient sa table et, se penchant, en lança un sur les genoux du clerc.
— Voici le compte rendu du coroner. Vous pouvez le lire.
Corbett étudia le rapport griffonné par un certain Matthew Relston, coroner, relatant les constatations «faites en juin 1286 sur le cadavre de Thomas Erceldoun, retrouvé dans le choeur de St Giles le soir du 26 juin par des paroissiens de ladite église. Il n ‘y avait aucun signe de violence sur le corps à l’exception d’une marque autour du cou. Une enquête sur les événements ayant précédé sa mort a révélé qu ‘il avait fait part de son intention de se rendre à St Giles pour y rencontrer un prêtre. L’identité de ce dernier est difficile à établir. Le verdict est qu’Erceldoun a été assassiné par un ou plusieurs inconnus. »
Corbett rendit le rouleau de parchemin à l’évêque.
— Est-ce là tout ? s’enquit-il.
— Oui. Je doute fort qu’il ait vraiment désiré voir un prêtre ou qu’il ait été assassiné par une seule personne. C’était un jeune soldat vigoureux. Je ne crois pas qu’un ou même plusieurs prêtres eussent pu venir à bout d’un tel gaillard.
— J’aimerais examiner son corps, déclara Corbett.
— Impossible, protesta Wishart d’un ton sec.
— Il le faut, rétorqua le clerc fermement. Et pas seulement le sien, mais celui de Seton également.
Il entendit Ranulf
Weitere Kostenlose Bücher