La couronne dans les ténèbres
pousser un petit gémissement à côté de lui.
— Vous seul, Monseigneur, pouvez donner cette autorisation. Cet examen pourrait se faire en pleine nuit sans qu’il y ait déshonneur pour la famille ni manque de respect envers le mort.
— C’est essentiel, dites-vous ?
— Oui, Monseigneur. Je demande également que Sir James Selkirk assure ma protection.
— Contre qui ? aboya l’évêque.
— Je l’ignore, Monseigneur, mais je m’avance en terrain mouvant.
Il regarda Wishart droit dans les yeux.
— Si cela se trouve, c’est de vous qu’il faut que je me méfie.
Wishart le fixa avec étonnement avant d’éclater de rire comme si le clerc avait plaisanté. Puis, sa plume égratignant le vélin, il écrivit quelques mots qu’il saupoudra de sable et cacheta à la cire avant de tendre le parchemin à Corbett.
— Votre mandat, Messire l’Anglais ! Faites ce que vous avez à faire et faites-le vite !
Il s’adressa à Selkirk :
— Cela doit être réglé ce soir !
Puis il salua Corbett.
— Pour l’instant, je vous dis adieu, mais rappelez-vous que vous devrez me rendre compte de cette mission !
Corbett passa le reste de la journée à déambuler dans le château et à se chercher un coin tranquille, lui permettant de méditer sur ce qu’il savait. L’image qui s’imposait à présent dans son esprit était plus nette, plus distincte, mais il avait du mal à y croire. A un moment donné, suivi de Ranulf qui se traînait derrière lui comme un chien triste, il se trouvait par hasard dans un couloir lugubre, balayé par les courants d’air, lorsqu’il tomba nez à nez avec Benstede et son étrange serviteur Aaron.
— Messire Corbett ! s’exclama Benstede, un large sourire éclairant son visage rond et grassouillet. Enfin ! J’ai su que vous aviez eu des problèmes avec Selkirk. J’ai immédiatement protesté auprès du Conseil, bien sûr. Vous avez été aussi attaqué, ai-je appris ?
Corbett acquiesça.
— Au moins deux fois, la dernière sur le chemin d’Édimbourg. Un membre de la Maison de l’évêque Burnell a été tué.
Benstede regarda gravement autour de lui.
— La même chose m’est arrivée. Il y a deux ou trois semaines, un carreau d’arbalète a frôlé mon visage alors que nous traversions la place du Lawnmarket. J’ai soupçonné de Craon. Il n’a pas cessé de comploter depuis son arrivée en Écosse. Il s’enfermait constamment avec le défunt monarque. Même le jour où celui-ci est mort ! J’ai compris d’après sa mine à la fin de la réunion que son entrevue avec le roi n’avait pas été des plus agréables.
Corbett haussa les épaules.
— Nous devons donc tous être sur nos gardes, commenta-t-il. Y a-t-il des nouvelles d’Angleterre ?
Benstede soupira.
— Aucune. Burnell va partir dans le nord avec sa suite. Le roi Édouard est encore en France.
Il serra le bras de Corbett.
— Soyez prudent, Messire ! dit-il avant de se remettre en route, suivi à pas feutrés par l’ombre silencieuse et sinistre de son serviteur.
Corbett les regarda s’éloigner et sourit en repensant à ce qu’il avait appris. Burnell se dirigeait vers le nord. Bien ! Il y avait toutes les chances pour que Ranulf et lui reçoivent bientôt l’ordre de quitter l’Écosse pour le rejoindre.
Tard dans la soirée, Corbett fut accosté par un serviteur envoyé par Selkirk qui lui dit avec un fort accent écossais que le chevalier était désireux de le rencontrer dans la cour près de la porte principale. Corbett et Ranulf se hâtèrent d’avaler la chiche nourriture qu’ils avaient quémandée aux cuisines avant de descendre en vitesse. Selkirk et quatre soldats, bien armés et portant pioches et pelles, les attendaient près de la porte, l’air assez mal à l’aise.
Corbett leur adressa un sourire et demanda :
— Vous êtes prêt, Sir James ? Où sont enterrés les corps ?
— Au cimetière de St Giles, répondit d’un ton courroucé son interlocuteur en regardant le ciel. C’est la pleine lune, nous n’aurons donc pas besoin de torches. J’ai déjà vérifié l’emplacement des tombes. Allons-y et finissons-en !
Ils traversèrent la ville, plongée dans l’obscurité malgré le décret municipal stipulant que des lanternes en corne devaient être suspendues à l’entrée de chaque maison. La plupart des bons citoyens obéissaient à cette loi, mais pas les habitants des taudis, ruelles et venelles puantes
Weitere Kostenlose Bücher