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La couronne dans les ténèbres

La couronne dans les ténèbres

Titel: La couronne dans les ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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piteux état. Il ordonna à Ranulf et à son escorte de l’attendre dehors, puis pria le frère lai d’entrer avec lui, car « il parlait le dialecte local », comme l’expliqua Corbett. Resté dans la rue, Ranulf jeta un coup d’oeil par la petite fenêtre dont les pauvres vantaux étaient grands ouverts pour laisser passer l’air et la lumière. L’endroit ressemblait à n’importe quel cabaret ou taverne de Southwark avec son sol en terre battue, ses tables branlantes et sa clientèle de marchands et de paysans, brûlant de dépenser là les gains d’un jour de marché. Ranulf observa Corbett qui, par l’entremise du frère lai, était en grande conversation avec le tavernier. Au bout d’un moment, le clerc fit un signe d’assentiment, tendit quelques pièces et sortit, un sourire satisfait sur son visage rayonnant.
    Ils repartirent, non vers l’abbaye, mais au château. Comme Corbett avait dépêché un des gardes pour solliciter une audience auprès de Wishart, le vieil évêque au visage matois les attendait dans ses appartements surchauffés, ce qui ne l’empêchait pas d’être encore emmitouflé dans sa robe bordée de fourrure.
    — Mon sang s’éclaircit, dit-il pour s’excuser. Je m’achemine vers la mort, dont vous croiserez le chemin un jour, Messire, et peut-être plus tôt que vous ne le pensez.
    Corbett fit semblant de ne pas entendre la menace voilée et se détendit dans la chaise que lui avait apportée un serviteur. Mis à part la présence de Selkirk, ils étaient seuls, car Corbett avait laissé à Ranulf et à l’escorte le soin de veiller à leur propre repos et ravitaillement.
    — Vous vouliez me voir, Messire, alors venez-en au fait rapidement !
    Corbett sentit que l’évêque était tendu, anxieux, voire effrayé.
    — Monseigneur, commença-t-il, le défunt roi a-t-il jamais discuté de son mariage avec vous ?
    — Non, répondit l’évêque avec force. Il... heu... répugnait à aborder ce genre de sujet avec moi.
    — Avec quelqu’un d’autre alors ?
    — Pas à ma connaissance. Le roi ne parlait à personne de sa vie privée.
    — A-t-il fait une exception pour les envoyés français, surtout pendant les jours précédant sa mort ? insista Corbett.
    — Oui, répondit lentement l’évêque, s’efforçant de gagner du temps. Mais nous ne sommes pas dans un tribunal anglais. Pourquoi ces questions impertinentes ? Suis-je devant une cour de justice ?
    Corbett présenta de sincères excuses.
    — Monseigneur, loin de moi l’intention de vous offenser, mais j’entrevois une solution à cette affaire. Je vous en ferai part, mais, pour l’instant, je suis impatient de connaître votre réponse.
    Corbett s’interrompit avant de reprendre :
    — Les envoyés français partageaient-ils les secrets du roi ?
    L’évêque prit un long et fin couteau pour parchemin et en joua dans sa main tavelée aux veines apparentes.
    — Alexandre fut un bon souverain, reprit-il précautionneusement. Il fit régner la paix en Écosse. Mais en tant qu’homme, il était gouverné par son bas-ventre. Quand ses enfants moururent, il courut le jupon et ne contracta pas mariage. Puis il accepta d’épouser la princesse Yolande. D’abord, tout alla bien, et le royaume espérait un héritier. Mais bientôt le roi devint renfrogné, irascible et renfermé ; il évitait les envoyés français, mais, oui, les jours précédant sa mort, et même le jour de sa mort, il s’enferma avec eux.
    Wishart s’agita sur son siège, irrité et agacé par l’impertinence des questions de Corbett. Il aurait aimé le chasser du royaume, le renvoyer, ligoté, par-delà la frontière, porteur d’un message vexant pour son arrogant monarque. L’évêque regarda ce clerc au maigre visage pâle. Il y avait beaucoup de choses qu’il aurait voulu faire, mais il avait besoin de cet homme qui, grâce à un mélange dé chance et de logique, pouvait trouver des vérités susceptibles d’affecter l’avenir du royaume.
    Il se pencha et fouilla parmi les parchemins étalés sur sa table. Il choisit un mince rouleau qu’il lança à Corbett en disant :
    — Voici ce que vous avez demandé, ou plutôt ce que m’a demandé l’homme que vous avez envoyé solliciter une audience.
    Corbett murmura des remerciements et déroula avec précaution le parchemin. Celui-ci n’était autre que la liste, rédigée par la main d’un clerc, des biens et effets d’un certain Patrick Seton, écuyer.

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