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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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qui sans doute, en cas d’affrontement, commanderait les Navarrais et les Anglais ?
    Point trop, mais, je me répète : il a moult courage. Il doit regretter que la paix existe entre l’Angleterre et la France et que cette bataille qui me paraît inévitable n’appartienne pas à la guerre entre les deux pays. Il a essayé de séduire certains des nôtres. En vain, du moins en apparence (384) .
    Les chevaux continuaient de piéter dans la boue. Le ciel n’était qu’un épais couvercle gris-noir transpercé quelquefois par une épée de lumière qui s’émoussait avant même d’atteindre la terre. Les arbres malmenés par l’hiver hésitaient à épaissir leur feuillage. Tout était morose, frileux, incertain. En opposition à cette mélan colie, Tristan sentait sourdre en lui un besoin d’activité autre que celle de la guerre. Ce n’était ni par le courage ni par la vigueur et l’habileté aux armes qu’il lui fallait se distinguer. Alors par quoi ? L’amour ? Il rejeta l’image de Luciane, celle d’Oriabel et des autres, et se demanda s’il rencontrerait un jour la jouvencelle dont il avait rêvé. Baissant la tête et tapotant l’encolure d’Alcazar, il refusa de subir la mélancolie de ce pays montueux, verdoyant et tacheté de mares lumineuses où se reflétaient des nuées déchues de leurs coutumières lueurs.
    –  Voilà Vernon, dit tout à coup Matthieu. Qu’est-ce qu’on fait ?
    – Ce qu’on doit faire, on le sait, dit Tiercelet.
    – Cette bastille doit être fort pourvue en hommes.
    Gris, trapu, bien planté sur sa motte, le châtelet, déjà, leur lançait un défi.
    – Pied à terre, dit Tristan. Aucune erreur, compères. Soyons prudents.
    Lentement, ils s’approchèrent. A travers les feuillages rares d’une roncière dont l’épaisseur suppléait les haillons, ils virent de mieux en mieux les tours cylindriques, leur base talutée par un revêtement de pierre bien appareillé, les courtines brèves et sans doute exiguës et le donjon courtaud que Tristan imagina voûté d’ogives à chacun des étages.
    « Rien à dire, songea-t-il. Une bastille comme une autre, moins rébarbative que celle que j’avais bâtie dans ma tête… Reste à y entrer… Ce sera impossible, mais cela, je l’ai toujours su. »
    –  Nous allons perdre notre temps, dit Matthieu.
    – Je m’en doutais dès notre départ.
    – Va falloir trouver autre chose, dit Paindorge. Voyez, entre les merlons, ces deux femmes en blanc… Elles s’arrêtent… Regardent… Elles attendent…
    –  Jeanne, la sœur du roi, sans doute, et Blanche, l’ancienne reine.
    Pourquoi monseigneur Charles leur en veut-il autant ? demanda Matthieu.
    C’était une question naïve et pertinente.
    – Parce qu’elles savent vivre… aimer. Bonnes pour le plaisir et sachant le répandre. C’est ce que notre roi dévot leur reproche. Crois-moi, Matthieu : après avoir écrémé leurs amours, elles pensent moins aux absents qu’aux jouissances qu’ils leur ont fournies.
    – A tout prendre, dit Tiercelet, mieux vaut aimer la vie pour le plaisir et jusqu’à la satiété que de s’imposer des abstinences qui sont, en fait, des péchés contre les sens. Vivre comme un saint en imaginant des coucheries plus vicieuses les unes que les autres, c’est plus répugnant que de forniquer vraiment.
    – C’est sûrement Blanche la plus chaude, dit Tristan tout en s’appuyant contre le flanc d’Alcazar.
    Une chaudière, enchérit Paindorge, où le feu roi Philippe s’est consumé.
    – Jeanne, la dernière veuve de Charles le Bel, dit Tristan, avait aussi le feu au potron… Moins que Blanche de Bourgogne mais davantage que Marie de Luxembourg. Jeanne doit avoir atteint la cinquantaine (385) .
    – Ce n’est pas une raison, insista le brèche-dent tout en étouffant sa voix. Jeanne était chaude ? Elle est tiède, mais toujours prête à s’échauffer, j’en jurerais.
    Il ne faut pas longtemps pour tisonner les braises et donner aux brandons les flammes qui couvaient… En outre, on dit qu’elle est amourée du captal et que le roi de Navarre, à la demande du prince de Galles, a promis sa taye 128 au dit captal… Sans doute ont-ils déjà partagé la même couche…
    – Peu me chaut !… Le jour tombe et il nous faut entrer là-dedans.
    – On doit accéder au donjon par un pont-levis.
    – Sans doute.
    – Il y a un peu trop de fumées dans l’enceinte… Même si elles y ont le feu,

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