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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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violence dangereuse de certains gestes, trouvant d’un regard l’endroit où porter le tranchant de son arme et foulant d’un pied quelquefois incertain des corps, des haches, des épées. Il dissipait ses forces parce qu’une telle bataille ne pourrait se prolonger jusqu’à la nuit ; parce que la foule des combattants commençait à se raréfier. Il cherchait et trouvait fortuitement les moyens d’utiliser sa lame, de ressusciter les plus efficaces et les plus purs états de lui-même. Il s’efforçait aussi de conserver sa foi, sa sagacité, sa confiance en ses moyens et en l’issue de la bataille, et la certitude que Matthieu et Paindorge vivaient toujours.
    « Et Thierry ? »
    Il ne l’avait pas vu. Était-il mort ? Il percevait sa présence comme il avait perçu parfois dans ses sommeils l’éclosion d’une personne dont il savait qui elle était sans pourtant discerner son corps et son visage. Il cherchait une cotte sur laquelle eût figuré un marteau, puisque c’était le meuble cher à Champartel. En vain. Il ne pouvait savoir de quel heaume ou quel bassinet l’oncle de Luciane s’était coiffé. Si la male chance les opposait, Dieu les ferait se reconnaître.
    Et tout en espérant rencontrer cet homme, il essayait d’échapper à ceux – hardis, vigoureux, inlassables qui cherchaient à se merveiller l’un l’autre en tuant le Gascon, le Breton, le Picard qu’il n’était pas. En tout cas un suppôt du nouveau roi de France.
    Il s’accommodait de ces assauts parce que d’autres, destinés à ses voisins, en rompaient le cours. Il s’était exercisé à des combats d’une autre espèce. Ici, la valeur des appels, la miséricorde ou la magnanimité, le bon usage des mouvements capables d’éviter un coup méconnu ou de déjouer, voire punir une perfidie destinée à un compère ne correspondaient plus à rien. C’était plus un combat de bêtes armées qu’un combat d’hommes. Il vivait par les yeux et les narines en enfer, et par l’ouïe dans l’immense univers du vacarme. De leur ensemble naissait la nausée. Il bavait dans son bassinet dont les parois humides commençaient à goutter. Donner des coups, en repousser, effacer son épaule un instant menacée ; l’autre ; déployer un taillant, fournir une flanconade. Sentir quelque tranchant riper sur son colletin. Reculer. Avancer. Voir tomber dans son sang quelqu’un avec lequel on aurait pu s’entendre… Quelque chose d’autre que son regard lui prescrivait ces mouve ments vifs, jamais identiques mais salvateurs grâce auxquels il se maintenait en vie, bien qu’il sentît en son tréfonds que sa force s’étiolait et que son sang pâlissait.
    « Encore un ! »
    Devant lui, un bassinet surmonté d’une touffe de houx arrachée à quelque arbrisseau du mont Cocherel. Une épée. Rouge. Rire au-dedans de la tête de fer dont la ventaille en coupole avait la plupart de ses trous obstrués de bave.
    « Comment fait-il pour respirer ? Moi, mes trous sont ouverts : je les vois ! »
    –  Saint Georges ! Navarre !
    – Notre Dame ! Guesclin !
    Aucun doute : ils étaient ennemis. L’un d’eux devait mourir. Premier taillant de la Floberge. Manqué. Second ! Manqué ! Était-il Anglais ? Navarrais ? Était-ce un Gascon du captal de Buch ? S’il n’osait attaquer, il savait se défendre. Récidive. Manqué.
    « Il me repousse !… Quelle lame !… Bon sang, que la mienne est lourde ! Mais je vais te houssepigner, tu vas voir ! »
    Non, on ne verrait rien. C’était maintenant au mufle de fer d’attaquer. A lui, Tristan, de subir une averse d’acier. A lui de se défendre. Ah ! Le drôle était fort !
    « Macarel ! Afano-té, Tristan (427) . Boudious ! Non ! Non !… Tu es tombé sur un bec ! »
    Il fallait s’employer davantage. «  Prends ça ! Et ça ! Et ça ! » Vivre en tuant l’autre. Quelle contention dans ce désir de meurtre ! Comme son corps – ce corps qu’il avait déprécié – acceptait maintenant sa volonté d’occire !
    Et voilà, c’était fait : l’homme au houx tombait à la renverse. Du sang sur son colletin. Mort ?… Paindorge survenait et levait sa hache…
    « Dieu, pitié pour lui… Dieu, que ce combat cesse ! »
    Allait-il échapper bientôt à cette abominable mixture humaine ? Entrevoir quelque part une sombre clarté différente de celle de ces aciers et de ces fers maculés de sang, de sueur, de merde ?
    Soudain, le captal fut

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