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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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hommes du captal coururent jusqu’au trépassé. Il fallut qu’ils se missent à deux pour extraire le fer et le bois meurtrier. Tirant le corps par les pieds, ils revinrent à l’endroit d’où le présomptueux était parti tandis que le troisième homme emmenait le cheval du défunt qui semblait hennir de tristesse.
    – Que faisons-nous ? demanda le comte d’Auxerre.
    – Soyons courtois, messire, dit Guesclin. Voyez donc ce qui se prépare !
    Des piétons en livrée apportaient des tréteaux, des plateaux. D’autres des linges blancs, des écuelles, hanaps, tonnelets et même, dans un ciboire, quelques poignées de fleurs des champs mêlées à des branchettes de cerisier en fleur.
    – Merdaille ! On va dresser la table du captal.
    Paindorge avait raison. Jean de Grailly et quelques capitaines, devant leurs hommes et devant leurs ennemis, allaient festiner comme jadis le roi Artus. Et on leur apportait porcelets et chapons !
    – N’y a-t-il pas parmi nous quelque hanouard (421) qui puisse leur porter le sel ?
    C’était la voix d’Amanieu de Pommiers. On rit tant la question paraissait pertinente. Les chevaux fermement tenus en main commençaient à montrer les dents. Certains ruaient, provoquant les cris et les protestations des piétons – guisarmiers, arbalétriers, archers –, qui, derrière, semblaient préférer un coup d’épée à une ruade.
    – Les archers anglais sont peu nombreux, dit Guesclin. Ils sont accoutumés à voir venir l’envaye (422) . Or, nous ne les prendrons pas de front. Nous partirons du milieu et nous éparpillerons. Vous suivrez. Tout homme qui est ici suivra sans arroi… Point de batailles accolées, en profondeur. Et messires chevaliers, barons et autres : pied à terre quand vous serez à la hauteur de cette table !… Battez-vous alors à la hache, à l’épée… Laissez nos piétons employer leurs guisarmes et faux de guerre…
    – Tu parles ! Tu parles ! reprocha Perducas d’Albret. Nous sommes à haute nonne (423) . Nous n’allons tout de même pas assister à ce repas et, avant qu’ils ne nous affrontent, leur apporter des touailles pour se sécher les mains !
    Tristan vit Bertrand Goyon lever la bannière à l’aigle noire, aux becs et avillons (424) vermeils. Pierre de Louesme, le jeune pennoncier du sire de Beaujeu, en fit autant. Olivier de Mauny se tourna vers son cousin et leva sa hache de guerre :
    –  Alors quoi, Bertrand ? Attends-tu qu’ils aient tout mangé ?
    – Non, cousin, par ma foi, c’est trop me demander.
    On rabattit les visières des bassinets et tout à coup, sans qu’on se fut concerté, les chevaux galopèrent.
    Tristan dégaina son épée ; Matthieu brandit la sienne ; Paindorge fit tournoyer sa doloire au-dessus de sa tête en criant : «  Notre-Dame, Guesclin ! » ce qui suscita d’autres cris, presque indistincts dans la bruyante ruée des coursiers, destriers, roncins de toute espèce. Songeant à Carbonelle, Tristan compara la mule à quelque damoiselle ou noble dame engagée dans une orgie réservée à des mâles. C’était maintenant la sueur de la peur qui lui moitissait la chair. Devant, l’ennemi n’apparaissait pas parce qu’il s’était trouvé distancé sans qu’il l’eût cherché. S’il ne pouvait entendre le frissement des sagettes, il en voyait certaines s’abattre sur des têtes et des épaules de fer. Cependant, l’attaque était si prompte, si inattendue que les archers s’étaient laissé surprendre. La mortelle grêle se désépaississait.
    Était-ce Guesclin qui hurlait ainsi ? Le Breton devait être à son affaire. A son aise. La chevalerie et l’écuyerie se déployaient comme il le leur avait demandé, décontenançant les Navarrais et leurs alliés trop assemblés, de sorte que leur mise en défense s’effectuait dans une cohue contre laquelle le captal ne s’était point prémuni. Des trompettes sonnèrent. On criait maintenant et «  Guesclin  » et «  Beaumont ».
    Malaquin trébucha sur une tête coupée. Olivier de Mauny et ses Bretons se portèrent sur la droite, là où les archers s’étaient ressaisis. Menacé, leur bataillon se repliait par échelons, mais s’ils purent tirer une volée nouvelle, ils furent impétueusement repoussés. Comme son cheval venait d’être blessé sous lui, Olivier de Mauny hurla :
Tous à pied !
    Les compères qui le suivaient arrivèrent dans ce désordre et, sautant à terre, commencèrent à besogner de

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