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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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debout, c’était par orgueil. C’était un homme blessé de toutes parts, au bord du découragement. Tristan voyait de lui, sous des cheveux collés de sueur, une face malade, exsangue, dont la bouche tremblait sa cesse. Qu’eût dit la reine de Navarre en le voyant ainsi ?
    –  Nous avons fait notre devoir. Dieu m’a manqué.
    « Bêtise, songea Tristan, de ce qu’on prétend du devoir… Qu’il est le maître des destinées… Qu’il grandit l’homme et le console ! »
    –  Mon devoir à moi, dit Guesclin, c’est qu’on vous soigne… Holà, vous deux…
    C’étaient, vivants, Paindorge et Matthieu.
    – Soutenez le captal… Emmenez-le aux femmes.
    Les deux compères obéirent, et Tristan laissa Guesclin digérer son triomphe.
    Il hâta le pas devant les prisonniers, cherchant par eux un visage. Quand Thierry fut devant lui, il l’étreignit à pleins bras :
    – Champartel !… Je t’avais entrevu, là-haut…
    – Je savais aussi que tu étais là… J’ai redouté d’être devant toi.
    – Et moi donc !… Mais bon sang, que fais-tu parmi ces gens ?
    – J’ai été contraint de me joindre à eux.
    – Moi aussi, à Brignais, j’ai dû me battre avec les routiers contre les gens de France. Je te l’ai dit. Je connais rien de pire.
    Champartel était blessé. Certaines mailles dessoudées de son gantelet s’imprimaient dans la chair sanglante et tuméfiée de sa dextre, au-dessus des doigts. C’était apparemment la seule navrure qu’il eût reçu. Il se tenait droit et grimaçait parfois de souffrance avait conservé son épée au côté et s’était refusé à se défaire de son bassinet, guère différent de celui Tristan maintenait contre la prise de sa Floberge.
    – J’ai cru cent fois perdre la vie !
    Champartel soupira. Son visage où se découvre naguère l’inséparable éclat d’une chair forte, saine, et d’un esprit clair, loyal, avenant, avait perdu ses couleurs, et son regard sa clarté si franche. A l’intelligence et à la mansuétude que Tristan avait découvertes d’emblée chez cet homme ; à sa tristesse, presque à sa désespérance lors de son départ de Gratot succédait maintenant quelque chose de sombre et d’endeuillé.
    – Je suis heureux de te revoir, même si tu me fais l’effet d’un vainqueur.
    Il dominait son déplaisir et sa vergogne, bien qu’il n’eut dû rien éprouver de cela.
    – Je ne suis pas ton vainqueur. Dieu a voulu que je sois à Cocherel parce que tu y avais été entraîné. Cette défaite n’est pas tienne ; cette victoire ne m’appartient pas.
    Thierry détourna son visage. Vers quelles personnes ou quel pays adressait-il ses pensées ?
    – Nous nous sommes fait subjuguer. Il faut que je te raconte. Il me faut quitter Cocherel au plus tôt.
    Tristan se sentit pris d’une sorte de pitié qu’il refoula dans un sourire :
N’aie crainte…
    Il cligna de l’œil sans pouvoir entraîner Thierry dans sa confiance.
    –  Les Navarrais nous ont obligés à nous joindre à eux.
    –  Je m’en étais douté sitôt que je t’ai vu… J’ai même cherché Ogier d’Argouges auprès de toi…
Il aurait pu y être.
    – Comment ont-ils fait. Sont-ils venus vous… convaincre d’être des leurs à Gratot ?
    Un soupir ; des yeux qui se ferment. Des images ombreuses et décevantes sous des paupières bleuies de lassitude.
    – Hélas ! Oui… A Gratot.
    Tristan sentit son cœur se dilater d’angoisse.
    – Parle !… Ton silence me fait peur.
    Thierry prit une grosse inspiration, regarda Paindorge et Matthieu qui revenaient, menant par la bride Malaquin, Tachebrun et Carbonelle.
    – Les Navarrais sont venus un soir. Ogier connaissait leur capitaine : Pierre de Sacquenville et son lieutenant Herbaut…
    – Je connais Yvain, son cousin, qui est au roi. Continue.
    – Ogier les a moult bien conjouis.
    – Sans défiance, des Navarrais !… Alors qu’il s’est défié de moi !
    Il fallait bien, songea Tristan, qu’il exprimât sa rancœur, même ici, sur ce champ de mort, à Cocherel !
    – Au cours du souper, Sacquenville a voulu savoir pour qui nous tenions alors que nous savions, nous, que cet homme était un renié (432) , traître au royaume de France. Ogier s’est refusé à faire un choix. Ils étaient douze, nous étions trois : mon beau-frère, Raymond et moi, car il faut que je te dise que nos soudoyers sont passés, d’un coup, auprès des Navarrais.
    Tristan imagina la

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