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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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négocier avec leurs chefs pour pouvoir atteindre Avignon. Il oubliait qu’à plusieurs reprises, il avait été tenté de descendre le Rhône sur quelque grand radeau de bois et que seule la crainte d’une noyade l’en avait dissuadé (224) .
    –  Nous sommes rendus, gémit le Grand Prieur en tapotant du plat de la main la croupe de sa mule.
    Elle était recrue de fatigue car gros, mou comme un sac de farine, le religieux ne consentait à quitter sa selle que pour prendre son repas ou satisfaire de loin en loin quelque besoin au plus profond d’un boqueteau. Il eût pu profiter des haltes décidées précisément à cet effet, mais c’était avec un certain plaisir qu’il aimait à se distinguer de ses compagnons – sans penser qu’il excitait les imaginations et les rires d’un bon nombre de sergents et de quelques prud’hommes qui le « voyaient » accroupetonné, la bure retroussée jusqu’aux aisselles, ses yeux déjà gros et sombres exorbités par des efforts malaisés. Bien que la mort lui eût permis d’atteindre promptement le Paradis sans fournir le moindre coup de crosse pour sa défense – celle-ci étant tenue à tour de rôle par un des clercs de sa suite –, il n’avait cessé d’avoir peur, même la nuit, entouré par ses tonsurés allongés à proximité de son lit ; même lorsque le chemin plat et dégagé eût pu lui inspirer une sérénité meilleure qu’une prière. Il pouvait, désormais, confesser sans malice :
    –  Je suis soulagé de mes craintes.
    – Ah ! fit Boucicaut dont le cheval encensait comme pour approuver l’homme de Dieu, il faut dire qu’au lieu de peur j’ai éprouvé, moi, de la méfiance. Je préfère aux embûches une bonne bataille où l’on voit droitement l’ennemi. Ce cheminement nous a… girouetté la tête.
    – Si je vous ai choisis, dit Jean II, c’est que vous êtes pareils à ceux qui, à Poitiers, sauvèrent le dauphin.
    Il y avait de la gaieté ou du mépris dans cette précision. Le roi n’ignorait point que tous savaient que son fils aîné s’était escampé avant même que la mêlée fût désastreuse pour les lis. Guichard d’Angle (que détestait Ogier d’Argouges et qui venait, disait-on, de passer aux Anglais), Jean de Landas, Thomas de Voudenay et Robert de Waurin, sire de Saint-Venant, avaient rejoint le dauphin dans sa fuite pour assurer sa protection et le mener à Chauvigny. Tristan de Maignelay, son porte-étendard, avait été blessé et capturé par les Anglais tandis que la bataille du duc d’Orléans cédait à la panique (225) . Oui, le dauphin était un couard. Sitôt en sécurité à Chauvigny, ses accompagnateurs – « et moi, Castelreng » étaient revenus dans la presse : pour eux, la mort valait mieux que la vergogne. Mais mourir dans une échauffourée sur le chemin d’Avignon…
    Nous touchons au but, dit Paindorge.
    Il semblait qu’il n’eut jamais tant chevauché.
    – Nous sommes attendus, annonça Boucicaut qui ouvrait la marche.
    Bien qu’on fut un mardi, quinzième jour de novembre, et bien que la cité eût souffert des routiers, Villeneuve-Lès-Avignon se préparait à recevoir un roi qui avait choisi d’y séjourner de préférence à la cité papale sans jamais éprouver le besoin d’en fournir la raison.
    Devant deux grosses tours portières inachevées, une foule effrangée par une incessante agitation attendait la venue du monarque et de sa suite. C’était à qui traverserait le chemin pour trouver le meilleur endroit d’où admirer Jean II et lui crier sa joie. Plus loin, en haut d’un gros donjon carré en instance de finition, des têtes et des bras bougeaient. Les hurlements d’en haut, faibles, discontinus, tombaient sur ceux d’en bas lacérés de crécelles. Tous les trois pas, de part et d’autre de cette voie triomphale, des gardes impuissants à contenir des remuements exagérés, frappaient les indisciplinés de la hampe de leur vouge.
    – Comme partout, dit Paindorge.
    Il y avait du mépris dans cette remarque. Tristan se demanda si elle concernait le roi ou cette multitude qu’il voyait de mieux en mieux.
    Je préfère les voir ainsi. Mieux vaut séjourner dans une ville ou un pays ami que dans une cité hostile. Non seulement la tristesse en est bannie mais encore, on n’a rien à craindre des ombres et des lames qu’elles dissimulent.
    Quelques cavaliers précédaient les représentants de diverses corporations, sous leurs bannières. Ils

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