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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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    Tristan alentit le pas d’Alcazar puis du doigt désigna deux jeunes gens juchés sur un tonneau, un peu en retrait. Ils se tenaient par la taille, joue contre joue, comme garçon et fille, mais c’était un couple masculin, adepte de la singulière amitié antique Achille et Patrocle et tant d’autres alors, si étroitement étreints, si visiblement épris l’un de l’autre qu’Artois, indigné, les menaça du poing.
    – Apaise-toi, dit Boucicaut. Tu en verras d’autres, si j’ose dire, quand nous serons en Avignon.
    Alcazar commençait à trouver le temps long. Malaquin semblait prêt à couvrir quelques lieues de plus ainsi que Tachebrun auquel l’emploi de sommier semblait convenir à merveille. Et l’on avançait toujours, par deux de front, lentement, dans une foule qu’une esplanade désépaissit et où le cortège fit halte.
    –  L’hôtel du roi doit être dans ces belles maisons. Le voilà qui met pied à terre.
    – Nous pouvons, messire, en faire autant.
    Il allait falloir attendre. On procéderait à la répartition des logis selon l’importance des seigneurs et des hommes de leur suite.
    – Souhaitons qu’ils se hâtent !
    Il semblait que cette réception eût été prévue de longue date, à l’inverse de la plupart des cités où Jean II s’était arrêté. Alors que les regards semblaient converger vers la personne royale et ses grands feudataires, Tristan se détourna, touché par l’un d’entre eux dont d’instinct il avait perçu l’insistante curiosité.
    Une femme l’observait et mieux : lui souriait. Il avait espéré sentir ainsi sur lui, un jour, l’intérêt ou l’appel de grands yeux verts, sertis de cils tellement dorés qu’on les eût pu croire poudrés d’or. Hélas ! Ce n’était point son amour de naguère. La dame qui, maintenant, caressait le chanfrein d’Alcazar, était brune, assez grande, âgée d’environ trente ans. Un manteau d’écureuil la couvrait du cou aux jarrets, d’où débordait une robe de soie framboise – la fraîche couleur de ses lèvres. Une huve assortie d’un long voile d’yraigne coiffait ses cheveux drus dont les tresses épaisses, enlacées d’aiguillettes vermeilles, lui tombaient à la taille.
    – Quel beau cheval ! Il mérite, comme les mules des cardinaux, un mors en or.
    – Je vous regracie pour lui, dame, de votre louange.
    – Puis-je savoir son nom ?
    – Alcazar.
    Elle siffla soudain comme l’eût fait un homme.
    –  Seriez-vous d’Espagne ? De Castille ?… Appartenez-vous au Trastamare ?
    – Non, dame. Je suis de la Langue d’Oc… A quelques lieues de Carcassonne. Tristan de Castelreng pour vous servir.
    Tandis qu’il s’inclinait avec cérémonie, elle sourit, visiblement sensible à cet hommage prompt et sincère en un lieu peu propice à ces sortes d’usages. Elle s’éloigna d’un pas et contempla le cheval comme elle l’eût fait d’une belle image de marbre, devinant, sous sa docilité présente, des témérités extrêmes dès lors qu’on les lui commandait ; pressentant de quelles passions d’espace et de galops éperdus ce coursier et son possesseur étaient friands.
    – Il a dû moult souffrir d’avancer au pas ou à l’amble.
    Elle revint en avant pour évaluer, semblait-il, l’épaisseur des muscles compacts traversés quelquefois d’un bref frisson. Ces modelés de la chair révélaient à eux seuls les qualités de vélocité, d’énergie, de souplesse d’Alcazar. Et fermant les paupières pour s’investir, comme une aveugle, d’un surcroît de clairvoyance, elle laissa courir ses doigts fins et nus sur l’encolure et la crinière échevelée.
    – C’est un cheval de roi… ou de prince.
    – Je ne le suis point… Est-ce votre pensée ?
    – Non pas, messire !… La noblesse de l’être et de l’esprit prévaut souventefois sur les parages (228) les plus sûrs, les plus reconnus et respectés.
    Qui était-elle ? Il ne pouvait qu’admirer ses cheveux ténébreux et, malgré l’épais manteau qui l’engonçait, la courbe harmonieuse de ses épaules. Ses yeux d’un bleu profond, violent, de vitrail, répandaient sur lui, sur Alcazar et parfois même sur Paindorge, le rayonnement d’une âme qui, sans doute, savait passer de la suavité la plus capiteuse à des courroux effrénés… Mariée ? Sans doute, mais libre par le divorce ou le veuvage – sans quoi, elle n’eût pas abordé ainsi un inconnu. Elle avait le don de

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