Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
que serait ce petit palais si nous y amenions des femmes.
    –  Voilà ce qui ressemblerait à un bordeau.
    – Tu dis vrai… Je ne sais pas le nom du cardinal qui nous offre l’hospitalité. Mais…
    Par le sel de mon baptême, messire, croyez-vous que le mitré qui nous cède son gîte n’a pas mêlé quelques nuits, et même quelques journées…
    – … la volupté païenne à l’amour de Jésus ?
    Paindorge acquiesça sans toutefois sourire :
    – C’est ce que j’allais dire… en moins bien.
    Tristan rit de bon cœur sans pour autant se décharger du malaise où l’avaient plongé tant de richesses insolentes : ors et argenteries, dorures, mosaïques, tapisseries et luminaires dignes d’une cathédrale ou d’un palais de satrape.
    – Une fois dépouillé de ses habits et de sa religion, un homme est un homme. Nous savons qu’il règne en Avignon, en même temps que le Saint-Père, une intempérance effrénée. C’est un Italien, Pétrarque, qui l’affirme et, paraît-il, l’écrit. Il va de Rome en Avignon et inversement… Sans être entré dans la cité sainte, je suis prêt par ma foi à lui donner raison.
    Après avoir, d’un geste, écarté les coussins, Tristan s’assit sur la banquette.
    – Range nos vêtements dans ce coffre, là-bas. Ensuite, nous irons voir nos chevaux… Puis nous ferons un tour dans Villeneuve.
    Ne voulez-vous point voir Avignon ?
    – Pas avant que le roi s’y soit rendu.
    – Il n’y a qu’un pont et le Rhône à traverser…
    – J’en conserve une mauvaise souvenance. Ne te souviens-tu pas de la couardise du roi (231)  ?
    – Oh ! Si…
    Et l’écuyer, têtu, ajouta :
    – Et cette Jeanne ?
    Indubitablement, posant cette question, Paindorge songeait à Luciane.
    – Je ne m’en soucie pas plus que du Grand Prieur dont nul ne prononce le nom (232)  !
    Tristan mentait et mentait mal : la dame brune ne cessait de hanter son esprit. Moins à cause de sa beauté pure et mûre que de cette noblesse dont il la sentait investie. Belle et même superbe. Redoutablement belle. Était-il sage et surtout était-il prudent qu’il cherchât à la revoir ?

IV
     
     
     
    Quatre jours d’oisiveté. Le roi demeurait invisible. L’on disait, dans son immédiat entourage, qu’il attendait Arnoul d’Audrehem pour concerter des décisions importantes et qu’il accordait des audiences brèves, mais nombreuses, à la suite desquelles il se retirait, rompu, dans sa chambre. Tristan écoutait ces propos vrais ou faux d’une oreille distraite. Jean II n’avait aucunement besoin de lui. Contrairement à ses pairs, il s’en réjouissait tout en maugréant de perdre dans une cité fraîche de bon matin, tiède dans la journée, glacée la nuit, un loisir dont il eût pleinement profité à Castelreng surtout si Oriabel et Tiercelet s’y trouvaient.
    Sans fuir le commerce de ses pareils, il se bornait à des salutations, voire quelques sourires lorsqu’il advenait qu’il les rencontrât. Jamais le sentiment de son inutilité ne l’avait accablé à ce point. Répugnant aux festins offerts par les édiles et les prélats constellés dont trois avaient dégénéré en buveries indignes, il chargeait Paindorge de leur composer des repas froids et frugaux qu’ils prenaient assis en quelque endroit soleilleux de l’enceinte, décoiffés par un vent qui pour eux volait de Sparte et pour les autres de Capoue.
    Tandis que vers midi, ce samedi 19 novembre, Tris tan rêvassait accoudé au parapet du pont qui enjambait le Rhône, un nuage se forma et se maintint au-dessus d’Avignon. Les dents de pierre des palais et des églises se gâtèrent.
    –  Il va neiger, dit Paindorge. Je conçois que le Pape se tienne au chaud. Jamais il ne franchira ce pont parce qu’il veut que le roi vienne à lui comme n’importe quel fils de l’Église.
    – Tu dis vrai. Quant à moi j’aimerais traverser.
    Tristan bâilla. Il était las de Villeneuve. Il connaissait sa chartreuse, ses églises, ses palais dont le plus beau, à ce que l’on di sait, appartenait au cardinal Griffon. Son inutilité l’humiliait. Il sentait s’appauvrir sa vigueur et son sang. La brune Jeanne avait disparu. Paindorge affirmait l’avoir entraperçue, vêtue en manante, sur le seuil d’une taverne. Il l’avait rabroué : « Compère, la prendrais-tu pour une nouvelle Messaline ? » L’écuyer n’avait jamais ouï parler de la reine de Rome et de ses débordements. N’était-ce

Weitere Kostenlose Bücher