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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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s’imposer par son mystère autant que par son sourire, par sa voix douce et tintante mieux encore que par son regard où flamboyaient parfois des lueurs d’améthyste. Tristan n’osa lui demander son nom. Princesse fourvoyée dans la plèbe ? Richissime bourgeoise en quête d’aventure ? En tout cas, ce n’était pas une follieuse de haut rang comme celles du palais royal. Elle eût été de toutes les réjouissances de la Cour, et il l’imagina sous des voûtes sonores, faisant retentir le pavement de son pas ferme, accompagnée de l’intérêt des hommes et de l’examen vipérin des femmes, toutes d’autant plus mécontentes qu’elle eût affecté dans une morgue savamment apprise, davantage d’indifférence que de mépris.
    –  Nous nous reverrons quelque jour, dame, si vous êtes de Villeveuve.
    – Je l’espère, dit-elle avec un air de langueur désabusée. Où logerez-vous ?
    – Je ne le sais. Sans doute à proximité du roi.
    – Êtes-vous de ses gens ?
    – Non.
    Il crut qu’elle allait dire : « J’aime mieux cela », mais elle recouvra sa mélancolie.
    – Le dauphin m’a chargé de veiller sur son père quand l’occasion m’en sera offerte, car par ma foi, il est bien entouré.
    – C’est ce que j’ai vu.
    Il n’était pas douteux qu’ils s’étaient plu dès l’abord et qu’ils éprouvaient l’un et l’autre, au même degré sans doute, le désir de se revoir. Était-ce sagesse ?
    Tristan devinait chez cette femme une créature capable de tous les emportements dont l’inclination du moment consistait à lui plaire.
    Je m’appelle Jeanne.
    C’était dit en forçant sur l’accent. Syllabes musicales où semblaient frissonner des ailes et palpiter l’allégresse de ce jour de fraîcheur, de soleil et de liesse.
    – Jeanne tout court ?
    Il s’attendait à une réponse. Il reçut une question :
    – Avez-vous connu d’autres Jeanne ?
    – Aucune.
    Il vit frémir l’ébène d’un sourcil soigneusement épilé.
    – Eh bien, vous m’appellerez Jeanne Première.
    Et, tournant les talons, elle s’en fut à grands pas.
    *
    –  Jamais je n’aurais imaginé tant de richesses. Si le Christ était humble, ses serviteurs ne le sont point.
    – Je nous préfère en ce petit palais que dans une grange… comme Jésus enfant, messire. Et puissions-nous ne pas changer de domicile tout le temps de notre séjour.
    – Si l’on nous octroie cette merveille à nous qui ne sommes que des hobereaux, qu’a-t-on dû offrir à Boucicaut et aux autres !
    – Et au roi, messire… Au roi !
    Dans le royaume et au-delà, ce n’était un secret pour personne que les cardinaux nommés par les Papes français étaient riches immensément. Les livrées (229) que s’étaient fait attribuer à Villeneuve et en Avignon les dignitaires de la papauté sous l’omnipotence de Jean XXII avaient été lentement transformées en palais, certains reproduisant, disait-on, les dispositions des logis pontificaux afin que le Saint-Père, en visite, s’y sentît plus à l’aise. Les tinels, les chambres, les cours même, et jusqu’aux écuries étaient pavés de céramiques lumineuses dont l’assemblage formait des fleurs et des pampres entre lesquels couraient des animaux des champs. Au raffinement des sols s’ajoutait celui des logements clairs, vastes, meublés de tables, sièges, crédences de bois précieux et de tapisseries de fils d’Arras et de Chypre. Celle qu’admirait Paindorge représentait le Genre humain guetté par les Vices, prétexte à l’apparition d’une ronde de quatre femmes dénudées autour de deux jouvenceaux ahuris. Le rose çà et là magnifié des chairs ne laissait que peu de place au sinople et au safran des vêtements, et à l’azur d’un ciel où planaient trois colombes. Sous cette haute lice, un grand siège encombré de banquiers (230) invitait à des entretiens à deux, pas davantage. Tout proche se dressait un lit à baldaquin dont les co lonnes touchaient de leur gland d’or les poutres peintes en vermillon – la couleur des rideaux de velours de la couche.
    –  Quatre matelas, dit Paindorge, admiratif.
    – Tu pourras en prendre un et dormir à mes pieds.
    – Non… Je veillerai aux écuries… Et puis quoi : vous pouvez avoir envie d’introduire céans quelque belle dame… et même cette Jeanne.
    – Non, Robert. Nous sommes ici douze chevaliers, logés dans douze chambres, et une trentaine d’écuyers. Imagine ce

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