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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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et grave. Et pourtant, les admonestations de Boucicaut y résonnaient tel un glas.
    Une salle, un escalier. Pénombre douce, tiède. Un feu se consumait dans une cheminée. Elle ne lui jeta qu’un coup d’œil agacé – comme à un malade exsangue qu’elle eût soigné assidûment et qui se fût joué de tous ses pronostics. Elle ne pouvait vivre seule. Trois ou quatre servantes, sans doute : tout brillait faiblement dans une odeur de cire.
    Elle le guida vers l’escalier, toujours muette, et si sa main se faisait dure, exigeante, son regard, entre ses paupières clignées, devenait anxieux.
    A mesure qu’ils posaient leurs pieds sur les degrés de bois, ceux-ci craquaient plus fort comme pour dénoncer leur présence. Tristan prêta l’oreille à quelques chuchotis, en dessous, suivis presque aussitôt d’un craquement de pêne.
    – Tu sais que je m’appelle Jeanne. Ne prononce jamais ce nom…
    Elle ouvrit une porte. Celle d’une chambre. Il s’y était attendu.
    Elle ne le lâchait toujours pas, mais sa paume poissait la sienne. Après tant d’ombres noires ou grises traversées, la clarté d’un candélabre haut sur pied leur blessa les yeux.
    Le lit s’imposait tout d’abord par ses dorures, ensuite par les hermines dont il était revêtu. On eût pu s’y tailler un vêtement de prince. Il y avait aussi, proche du luminaire, une armoire aux incrustations de nacre, tels des yeux d’oiseaux, immobiles ; deux faudesteuils et une table. Un grand rideau pourpré cachait une fenêtre. Quelqu’un toussa en bas : une femme aux aguets.
    –  Je la fouetterai demain. Ça lui apprendra, dit Jeanne.
    Puis, la voix toujours impérieuse :
    – Défais-toi… Je veux profondément faire ta connaissance.
    Elle venait enfin de lui rendre sa main. Il hésita. N’était-il pas déjà défait ?
    – Allons, tu n’es plus un enfant !… Nous allons perdre un temps précieux.
    Il s’assit sur le lit et enleva ses heuses tandis qu’elle enlevait lentement son manteau et, d’un mouvement sec des jambes, envoyait rouler ses souliers l’un sous un faudesteuil et l’autre sous l’armoire. La lumière du candélabre à cinq chandelles jetait des reflets d’or dans ses cheveux dont elle dénoua nerveusement les tresses. Elle soupirait parfois. Sans doute regrettait-elle l’absence de sa chambrière.
    Elle s’approcha. Sa robe était légère et transparente. Du col à la ceinture, des cartisanes 41 de fil d’or et d’argent figuraient des lis assemblés.
    Ses bras nus en avaient la pâleur et l’arôme.
    – Hâte-toi, je déteste attendre.
    Il était demi-nu. Il frémit, traversé par la conviction qu’il avait affaire à une sorte de Perrette Darnichot qui, une fois soulagée, repue mais lucide, le récompenserait mortellement. Une idée lui vint encore : cette femme qui le dominait parce qu’il restait assis était au-dessus de toutes celles qu’il avait connues. Non pas par sa beauté mais par sa condition.
    Couche-toi… Non pas dans les draps. Reste sur les hermines. J’aime sentir leurs poils me chatouiller comme je vais sentir les tiens contre mes seins, contre mon…
    Elle avala le mot et enleva sa robe. Un marbre de haut en bas. Un marbre aux cheveux d’ombre éployés sur des seins d’où bombaient deux framboises mûres.
    Elle marcha vêtue de sa seule splendeur jusqu’au luminaire dont elle souffla les chandelles. Il fit noir mais la blancheur de la courtepointe mit un peu de grisaille aux abords de la couche. Tristan vit l’inconnue revenir, s’approcher, s’allonger près de lui frémissante et fraîche.
    Laisse-moi t’aimer, dit-elle.
    Elle se mit à couvrir de baisers ses épaules, son cou, ses seins. Il voulut participer mais elle grogna et lui enjoignit de se tenir quiet jusqu’à ce qu’elle lui intimât ses volontés. Il sourcilla. Sa méfiance augmenta. Cette succube avait le goût du commandement. Tandis qu’il entendait son souffle bourdonner, il pensa aux hériades, ces abeilles solitaires, ces amazones ailées aux piqûres venimeuses.
    Eh bien, non. Il se refusait à ce servage ! Il la renversa. Il fallait qu’il se montrât fort, entreprenant, exigeant. Qu’il asservît cette reine de l’ombre. Sous les baisers divers dont il était prodigue, il sentit comme un bouillonnement s’élever en elle et il eut bientôt ses lèvres tour à tour fermes et suaves contre les siennes.
    – Ah ! dit-elle, le corps cabré, je consens à devenir ton esclave.
    Il

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