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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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dessus bras dessous, comme pour se réchauffer. Elles riaient et s’écartaient en hurlant des quémands qui çà et là tendaient la main, accroupis sur certains seuils. Comme pour s’opposer au luxus de ce jour exceptionnel, ils étaient plus loqueteux, plus pitoyables que tous leurs congénères qui, chaque dimanche, s’empressaient sur les parvis. Leurs plaies faisaient horreur, leur saleté donnait le frisson et leurs lamentations, vraies ou fausses, plutôt que de provoquer la pitié suscitaient la frayeur des femmes et la moquerie des galopins.
    – Il se peut, Robert, que Tiercelet se sente coupable… si tu dis vrai, ce dont je doute. Il m’avait promis de veiller sans trêve sur Oriabel…
    – Certes… Mais il advient, messire, qu’on se sépare moult fois dans une journée. Pendant ce temps, il peut advenir des choses pas belles…
    Tristan préféra se taire. Quand il aurait retrouvé le brèche-dent, il saurait la vérité.
    – Tiercelet est surtout un oiseau de nuit. Retournons à Villeneuve.
    A la tombée du jour et à pied, nous reviendrons dans ces rues et pousserons les portes des tavernes.
    Paindorge se mit en selle. Alcazar broncha, remua, et Tristan eut quelque difficulté à se jucher dessus.
    – Eh bien, compère, que te prend-il ?
    –  Ce qui lui prend’? s’étonna Paindorge. Voyez qui traverse cette placette sans nous voir, heureusement.
    – Fouquant d’Archiac !
    – Oui, messire… Alcazar l’a aperçu avant nous, mais ce fumeux ne peut nous reconnaître, vu que nous sommes armés en guerre et que nos chevaux sont houssés de toutes parts, ce qui empêche qu’on voie leur robe !
    – Encore heureux qu’il ne passe pas dans la rue où nous sommes !… Il eût été capable de me jeter son gantelet au visage… et de vouloir m’escagasser aussitôt.
    – Un autre homme le cherche, messire. Cet Amadieu de Pommiers qui m’a paru, lui aussi, avoir du sang bouillant dans les veines. Et c’est tant mieux pour vous car vu votre état – oh ! Vous pouvez me regarder méchamment – vu votre état, je ne donnerais pas cher de votre peau si Archiac vous provoquait !… Cette Jeanne me fait l’effet d’une sangsue.
    – Tu ne crois pas si bien dire, fit Tristan, songeur, en mettant Alcazar au trot.
    *
    Le froid s’était durci depuis la matinée. De l’autre côté du pont Saint-Bénézet, la nuit semblait un granit noir pailleté de lueurs tremblées plus nombreuses que de coutume. On fêtait le Pape, le roi, sainte Catherine – tout. Boucicaut et quelques autres avaient réintégré Villeneuve, mais Jean II tardait à reparaître en son hôtel. Pourtant, disait-on. Urbain V ne l’avait pas convié à souper.
    Après les soins donnés aux chevaux, Paindorge s’était allongé sur la paille de l’écurie. Il s’y était endormi, oublieux de la visite aux tavernes. Plutôt que de l’éveiller, Tristan l’avait couvert de deux flanchières 47 sans même qu’il s’en doutât. Une force ou une envie l’avait alors poussé jusqu’à la maison de Jeanne. Personne. La rue semblait morte. Il ne sut s’il devait s’en réjouir ou s’en contrarier. Son esprit oscillait entre le songe – Jeanne et ses ivresses enflammées – et le réel : Tiercelet donc Oriabel. Morose, il revint sur ses pas, décidé à traverser le pont pour errer dans la cité papale et y retrouver celui qui par deux fois lui avait sauvé la vie.
    Tandis qu’il franchissait le Rhône, croisant quelques cavaliers, quelques piétons et presbytériens et des nobles dames en litière, il s’aperçut qu’il n’avait aucune arme. Cet oubli l’incita à se retourner. Il vit deux hommes qui peut-être le suivaient de loin et pressa le pas. Ils parurent soudain se hâter eux aussi. Il alentit sa marche ; ils s’arrêtèrent, se concertèrent et, penchés au parapet, regardèrent courir le fleuve. L’inquiétude se dissipa :
    « Pourquoi me suivraient-ils ? Mes vêtements sont des plus simples. Sans épée, ils ne peuvent voir en moi un chevalier… Je n’ai rien commis, depuis mon arrivée, qui mérite une vengeance. »
    En retrouvant Tiercelet – ce dont il était certain –, il n’aurait plus à recréer le fantôme d’Oriabel : le brèche-dent le mènerait jusqu’à elle. « Et si elle n’est plus avec lui ? » Comment pouvait-il en douter ? Pourquoi, soudain, cette hantise qu’elle avait rompu avec leur bienfaiteur ?… Il allait renouer avec Tiercelet. Avec

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