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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Wesinsé (255) .
    – En tout cas, Fremin Andeluye, qui en était – le barbu à sa dextre – est parmi nous. Il m’est moins suspect que les deux autres.
    Archiac approuva : il avait compris.
    – Regardez, dit-il, cette belle créature qui s’est fait attendre et prend place auprès du roi.
    Cette fois, le doute n’était plus permis. Tristan posa sa question tout en fournissant aussitôt la réponse :
    – C’est Jeanne I re , n’est-ce pas ? Reine de Naples et comtesse de Provence.
    – En chair et en os, dit Archiac. La chair me suffirait tant elle me paraît tendre.
    Jeanne était plus que belle : elle était admirable. Tristan retrouva d’emblée dans ses façons et son port altier cette hauteur qu’il lui avait connue lors de leur première rencontre et qu’elle avait perdue au cours de la seconde pour de chute en chute se vautrer, suppliante, à ses pieds. Déjà, elle conversait avec animation et sa bouche purpurine s’entrouvrait comme pour boire les éloges que Jean II lui adressait. Son large décolleté rehaussé d’une vapeur d’yraigne découvrait cette gorge ferme, irréprochable, dont tant d’hommes, sans doute, connaissaient les contours et la tiédeur. Sa robe d’hyacinthe, lourde, ceinte d’une tresse d’or, luisait de quelques rangs de joyaux et perlettes qui s’embrasaient lorsqu’un geste, un mouvement les exposait au soleil.
    – Belle est un pâle mot concernant cette dame.
    Tristan ne put qu’approuver Guy d’Azai. Éblouissante par elle-même et par ses vêtements, Jeanne de Naples incarnait la majesté triomphale dans la plénitude de sa beauté : une reine dont les sujets avaient plus à craindre qu’à espérer – tout comme ses maris. Il l’avait vue s’offrir, se donner, se reprendre avec une lascivité que, parfois, il avait trouvée insincère. Si elle n’était Messaline, elle était Poppée par les soins accordés à sa toilette, et si elle n’était pas suivie, ce jour d’hui par cinq cents ânesses il y avait bien, sur le moment, séduits par sa précieuse personne, un cent d’ânes dont les yeux se repaissaient de ses formes.
    – On prétend, dit Archiac, qu’elle fait occire ses maris lorsqu’elle est sevrée de leurs attentions.
    « Cet attentat contre moi, c’était elle l’instigatrice. »
    Et Tristan, morose, se demanda s’il y aurait récidive.
    – Holà ! s’ébahit Archiac, elle vous touille l’esprit, dirait-on.
    – Non, dit Tristan. Je la verrais davantage occupée de fanfeluces que d’un royaume.
    – Qu’une reine gouverne, dit Guy d’Azai, je le conçois d’autant plus qu’elle s’adjoint toujours des conseillers dont, finalement, elle accepte et prend toutes les suggestions à son compte. Mais les autres femelles…
    Le sénéchal de Toulouse remua ses mains et reprit, sentencieux :
    – Si un jour les bourgeoises et les femmes du commun sont admises à se mêler de politique, ce sera la fin de la France. Une bonne et belle tête de suzerain – fût-il le pire de tous : le plus retors, le plus hypocrite, le plus pourri, bref, le plus désastreux – suffira pour les séduire et les opposer aux hommes de bonne vo lonté. C’est cela, ou plutôt ce sera cela, une France tombée en quenouille… Oh ! Mais, compère, il me semble qu’elle vous observe !
    C’était vrai. Cependant, la belle Jeanne était trop éloignée pour que Tristan pût saisir la signification de son regard.
    – Défiez-vous de la belle, insista Guy d’Azai. Il n’y a point de tour de Nesle en Avignon, point davantage à Villeneuve, mais un fleuve coule à proximité… On dit cette dame coutumière de l’abandon noxal (256) …
    –  Je m’en méfierai. D’ailleurs, elle ne m’attire point.
    Tristan revint au repas. On venait de déposer dans son écuelle une tranche de poisson à demi couverte d’une jance 54 blanche dans laquelle quelques clous de girofle lui firent l’effet de gros insectes morts lors de la cuisson. Il les repoussa de son couteau tandis qu’Archiac trempait son pain dans la sauce et la trouvait succulente bien qu’il manquât, selon lui, des amandes.
    – On va s’en mettre plein le coffre, dit-il.
    – Le roi, dit Guy d’Azai, va séjourner ici le temps d’emplir le sien. Je me suis laissé dire que Pierre de Lusignan…
    – Le roi de Chypre et de Jérusalem ? interrompit Archiac.
    – Lui-même… Eh bien, je me suis laissé dire qu’il allait venir en Avignon. Et ce n’est pas

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