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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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succession d’actes et d’astuces parviendrait-il à créer l’occasion d’une estocade ou d’un taillant décisif ? Gozon semblait incapable de préparer un coup d’une fatale matoiserie. Il abattait son épée ; il suffisait de s’effacer devant elle, de tourner autour de lui, de le marteler çà et là – en vain. Cubitière, épaulière ; jamais le bassinet trop haut placé. Ce Goliath n’était pas un homme accoutumé aux perniciosités de l’estrémie 76 . Il n’usait que de mouvements connus, de haut en bas, de poussées aussitôt rétractées suivies d’un coup si pesant, si bestial qu’il pouvait, en atteignant son but, occire ou démembrer.
    Tristan suait. Une buée agaçante roulait sur les parois de sa défense de tête. Chaud dedans. Dans les entailles de la vue, il voyait Gozon par fragments, par à-coups ; par tranches. Bûcheron, avait-il songé. Mais oui !… On ébranle l’arbre par le pied. Il devait faire en sorte de frapper aux jambes.
    Il se courba, se releva, se courba encore. Sa Floberge s’ébrécha une fois de plus sur la lame ennemie haut levée.
    « Si je continue, je vais la rompre. Je serai mort ! »
    Un taillant faillit s’abattre sur sa tête. Il l’éluda d’une génuflexion et sa réplique vint, grisante, spontanée. D’un coup violent et véloce, il atteignit Gozon juste derrière la genouillère dépourvue d’oreillons, là où la chair n’a d’autre protection que des chausses de soie ou de laine.
    La Floberge rompit un tendon, peut-être les deux. Gozon chut sur le flanc, voulut se relever mais en fut incapable. Un juron plutôt qu’un cri sortit de son bassinet.
    « Je l’ai eu ! Je l’ai eu ! Il est incapable de se mouvoir ! Incapable de me vaincre ! Il est à ma merci ! »
    Les yeux humides, écarquillés, Tristan releva sa ventaille et vit nettement l’espace où sa lame pouvait passer, entre le colletin et le bassinet.
    – Dépose ton épée, Gozon… Tiens, regarde !
    Il remit lentement la Floberge au fourreau et leva la dextre en direction du roi, du Pape et de Jeanne de Naples. Il sentit alors dans son flanc une brûlure plus terrible encore que celle de son épaule. Il fit noir dans ses yeux. De pesantes ténèbres s’engouffrèrent dans sa cervelle. Il entendit des cris et des crépitements, un bruit de course et une voix d’homme :
    – Laisse-moi m’en charger. Je suis plus fort que toi et il est mon ami.

VIII
     
     
     
    –  Ses paupières frémissent.
    – Que dis-tu ?
    – Ses paupières viennent de remuer !
    La brève et faible clarté disparut : deux ombres se penchaient et restaient immobiles. Il y avait une sorte de mur de glace entre elles et lui. Il ne savait qu’une chose : il sortait d’un linceul obscur, perclus de maux.
    Il n’eût su dire d’où il souffrait. La douleur s’apaisait et s’excitait dès qu’il augmentait son souffle. L’étreinte de feu se relâchait, se resserrait, se dénouait encore.
    – Crois-tu vraiment qu’il revient à la vie ?
    – Oui.
    Celui-ci, c’était Paindorge. L’autre, à la voix pâteuse… Un effort. «  Un effort et tu vas le savoir ! » Les sourcils qui se froncent. Un nom.
    – Tiercelet.
    Une exclamation :
    – Il a parlé !
    Le cri de joie dansa dans l’oreille du blessé. Les ombres s’agitèrent.
    – Gozon… C’est bien ainsi…
    – Tais-toi, Tristan. Ne remue pas.
    Le néant et le mal, et soudain, après les maléfices brûlants, une sorte de quiétude. « J’ai mal mais je vis. » Cette lame dans son flanc… Ce n’était pas une félonie. Il aurait dû se défier de cet homme blessé autant que d’un sanglier qu’un épieu transperce. Bouche amère, mâchoires lourdes, sueurs sur tout le corps. Des braises dans ce flanc dont il sentait les bandages. Sur l’épaule. Une fenêtre entre les deux têtes maintenant disjointes. Du bleu.
    – Où m’avez-vous emmené ?
    – Tais-toi : tu vas te vider du peu de forces que tu as conservées.
    – Nous sommes, messire, à Sauveterre. J’ai craint doublement pour votre vie. Tiercelet vous a porté sur son dos tandis que je ramassais en hâte ce qui nous appartenait… La nuit, je suis revenu à Villeneuve pour y quérir nos chevaux.
    Paindorge poursuivit d’une voix feutrée comme s’il redoutait d’être entendu :
    – On vous a soigné, veillé… On a eu grand-peur…
    Tiercelet avança une main. Tristan sentit sa dextre envahie d’une tiédeur

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