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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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faibles, plus couards que des brebis en présence des loups.
    – Les haïr est une chose bonne, messire. Défiez-vous cependant des atteintes de ce forfante et préparez bien les vôtres. Son écu est pourvu d’une buffe 74 sur laquelle votre lance ou votre épée peut glisser. Le vôtre n’en a point. Avez-vous vu ses armes ?
    –  De gueules à la fasce d’argent.
    –  Le vôtre…
    – Je ne suis pas mécontent de l’avoir laissé à Vincennes. Je vais faire honneur à Boucicaut qui m’en a offert un vierge de toute peinture. De bois et de fer : voilà ma devise !
    Un garçonnet en manteau de velours vert amande traversa le champ. Il serrait sur sa poitrine un objet que Paindorge reconnut aisément :
    – Un duge (282) qui doit être rempli de bon vin ou d’autre chose qui fouette le sang.
    Parvenu devant Gozon, l’échanson fit une sorte de génuflexion, lui offrit le vase à boire et tira de l’encolure de son vêtement une pipette d’or ou de cuivre afin qu’il s’abreuvât sans dénouer les aiguillettes de son bassinet.
    – Voilà bien des commodités auxquelles je n’avais point pensé !
    Gozon aspira goulument le liquide. Le plumail de son bassinet se composait d’une touffe de plumes de paon dont les ocelles dorées, clignotant aux souffles du vent léger, faisaient songer à des yeux de chat, immenses.
    – Vous sentez-vous bien ?
    – Tané, recreu (283) , mais j’ai toujours éprouvé cela quand je compromettais ma vie.
    – Avez-vous vu ses gantelets ?
    – Oui… Des gantelets à gadelinges. Je m’en défierai (284) .
    Soudain, la rumeur grandit : le roi Jean venait de se dresser devant son siège. Il brandit son poing dextre :
    – Le temps nous presse, messires !… Êtes-vous entalentés à vous affronter ?
    –  Certes, dit Tristan.
    – Oui ! cria Gozon.
    – Eh bien, commencez ! Tristan se tourna vers Paindorge :
    – Lie-moi au col mon bassinet. Que ce soit solide. L’écuyer posa l’épaisse enveloppe de fer, ventaille ouverte, sur la tête de Tristan et noua les aiguillettes qui le maintenaient sur le colletin de l’armure.
    –  Pourquoi fermez-vous les yeux ? Pour ne plus le voir ?
    – Non. Il me semble qu’ainsi je rassemble mes forces.
    Tristan se sentait la gorge sèche. La sécheresse, d’ailleurs, avait envahi son âme. L’unique sentiment qu’il éprouvait était une aversion irrésistible à l’égard de son ennemie plus encore qu’envers son champion. Il devait en finir bellement afin de les offenser l’un et l’autre. Cependant, malgré ses efforts, il ne parvenait à feindre ni la sérénité ni le désintérêt pour tout ce qui vivait bruyamment autour de lui.
    – Un bon coup de lance, messire. Visez à la vue. Éborgnez-le…
    – C’est ce que j’espère.
    – Elle se dresse…
    Jeanne de Naples, en effet, se levait de son siège alors même que Jean II réintégrait le sien.
    – Elle vous observe… Elle s’emplit la vue de vous. Tristan se détourna.
    – Hé, messire, attendez. Voyez qui vient vers nous. C’était Artois, une lance sur l’épaule. Il souriait sans malice et sans cet air condescendant dont il ne se départait point, sans doute, jusque devant son miroir.
    –  Tenez, Castelreng… Voici votre glaive.
    Il employait le nom ancien. Il tourna les talons sans ajouter un mot tandis que Paindorge, l’arme en main en examinait la prise puis, pouce par pouce, continuait son inspection en remontant vers le fer façonné en feuille de saule, aiguisé comme un tranchet.
    – Rien à dire, messire. Du bon frêne. Aucun trait apparent. Voulez-vous regarder ?
    – Non : tu as ma confiance.
    – Alors, allons-y !
    Ensemble, Paindorge portant la lance, ils rejoignirent Alcazar. Tristan eut à cœur de se jucher seul en selle tandis que Gozon devait avoir recours à l’aide du gros Tancarville qui voulait peut-être, en aidant son substitut, complaire à la reine de Naples.
    Êtes-vous bien chaussé ?
    Tristan fit jouer ses pieds dans les étriers.
    Oui. Et je me sens aussi chevillé à ma selle que le Pape à sa chaire. Ne crains rien : je vais amignarder ce gros lourdaud !
    – Votre écu.
    Tristan passa aisément son épaule dans la guige de cuir, et sa senestre se crispa solidement sur l’énarme instituée de fils de fer tressés.
    Prenez votre temps. Le gros rustique n’est pas encore prêt.
    Ne me parle plus, Robert. Je te le demande en grâce. J’ai besoin de me recueillir.
    Une

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