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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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inquiétude forcenée obsédait Tristan. Allait-il périr dans un moment ? Il avait mal partout, sous son fer. C’était un mal sourd, matois, à douter de pouvoir fournir des coups avec une allégresse mortelle. Mal. Besoin de voir le sang couler ; besoin de rompre, s’il le pouvait, cette épée serpentine, plus longue, plus pesante que la sienne.
    – Votre lance, messire. Gozon lève la sienne : il est prêt.
    Aucune palissade pour séparer les courses des che vaux. Aucun maréchal de lice pour juger des coups portés. Il y avait, au milieu du champ, un héraut en cotte hardie vermeille. Il embouchait une trompe…
    Tristan s’élança en même temps que son adversaire. Immédiatement, sa lance s’éleva à la hauteur de la ventaille ennemie. Alcazar galopait de toutes ses forces, de tout son cœur. La lance ne remuait pas, toute droite, chargée, elle aussi, de fureur et de certitude.
    Le choc fut ce que Tristan redoutait. Perdant les étriers, il fut soulevé hors de selle et retomba, assis de guingois, sur son troussequin, tandis qu’une douleur effrayante s’incrustait dans son épaule senestre : son bouclier s’était fendu ; le fer avait percé l’épaulière et pénétré profondément dans la chair. La foule s’était tue comme blessée, elle aussi, dans ses espérances.
    « Et lui ? »
    Le bassinet déplumé par le heurt, Gozon repartait péniblement vers son aire, penché, comme endormi, sur l’encolure de son cheval.
    – Je crois, messire, que vous l’avez touché à la ventaille, mais je ne sais s’il est éborgné.
    Tristan mit pied à terre. Il chancelait. La foule se taisait ainsi que l’entourage du Pape. Gozon quittait sa selle. Se retournait. Il y avait du sang sur sa visière et son colletin.
    – Il vient vers vous.
    Tristan marcha vers le colosse de fer. «  Est-il borgne ? » Comment le savoir ? La flambe scintillait dans les poings hérissés de clous pointus.
    – Tirez, messire, votre Floberge.
    Et voilà : elle était hors du fourreau. Présence solide, rassurante.
    « J’ai mal. On dirait que le fer m’est resté dans l’épaule, et pourtant, il n’en est rien… Je dois perdre abondamment mon sang ! »
    Ils n’étaient plus qu’aux dix pas, tout aussi furibonds et mal heureux l’un que l’autre. Des mouvements divers, contradictoires, devaient agiter la foule toujours muette mais nullement rassasiée de violence et de sang.
    Ils s’élancèrent en même temps avec une impétuosité qui fit hurler çà et là. Tristan frappa sur une épaule qui s’effaça, fournit ensuite une flanconnade et rompit une des courroies de la tassette dextre. Un taillant, évité de justesse, le rejeta à un pas de Gozon, suant sous sa défense de tête, essoufflé mais content de soi.
    L’Hercule s’approcha, l’épée basse, brusquement levée.
    « Holà ! » s’angoissa Tristan.
    Un éclair sinistre suivi de bourdonnements lui apprit que son colletin venait de recevoir un coup. Le bruit emplit son bassinet et s’en vida tandis qu’il répliquait par un tourniquet à la taille. Derechef sa Floberge trancha la seconde attache de la tassette dextre qu’elle sépara de l’armure. Bien qu’un gipon de mailles protégeât la hanche, il pouvait, la bonne chance aidant, rompre quelques anneaux et atteindre la chair.
    Il souffrait de plus en plus de son épaule. Point d’écu pour la protéger. Gozon avait laissé tomber le sien en mettant pied à terre. Il devait être fasciné par cette spallière (285) rouge et vouloir à tout prix l’atteindre, fut-ce en découvrant la sienne.
    « Bon sang ! Il est plus dur que je ne le pensais ! »
    Quelque effort qu’il fît pour toucher férocement son adversaire, celui-ci prévoyait ses attaques et les éludait. Quelqu’un hurla dans la foule. Non point un privilégié assis sur l’échafaud du Pape ; non : un homme du commun. Une voix qu’il connaissait. Qui ? Une injonction sur le moyen d’en finir… Qui ? Une chose était sûre : il était plus vif que Gozon, que de brèves perplexités immobilisaient parfois, l’épée pendante. Un colosse de… Rhodes ! Des coups de boquillon 75 . « Manqué ! Manqué ! » Il éprouvait, cependant, le sentiment complet, désespérant, d’être dominé, la quasi-certitude d’être vaincu s’il n’employait pas un coup prompt et décisif. Et mortel.
    Il perdit l’espoir de vaincre aussi promptement que la certitude lui en était venue. Par quelle

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