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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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bienfaisante.
    Dors… Il te reste à dormir maintenant que tu vis.
    *
    L’obscurité encore. Des jours, des nuits. Guérir. Plus de paroles échangées. Il n’avait pas la force d’ouvrir la bouche tellement il la serrait pour dominer les plaintes qui, parfois, montaient du tréfonds de son corps. Tiercelet se penchait au-dessus de lui. Il voyait le sourire du brèche-dent. La nuque appuyée sur son bras vigoureux, il avalait ce qu’il lui donnait à boire. Paindorge apparaissait, malade d’anxiété.
    Un matin, Tristan sentit sur ses joues une espèce de glu fraîche.
    – Vous avez, dit l’écuyer, une barbe de Juif.
    Morsure du rasoir sur les poils. Impression de soulagement. Il vit briller, dans un angle, une espèce d’archange… Non : c’était son armure. Frottement de la lame sur le menton.
    – Vous en aviez besoin.
    – Combien de jours ?
    – Je vous avoue que je n’ai pas compté. Combien de jours, Tiercelet ?
    – Nous sommes le dimanche 8 janvier (286) . Tu as été comme mort deux semaines. Un petit souffle et un cœur si faible qu’on n’osait prendre ton pouls.
    – On a repêché Gozon deux jours après votre estequis… Dans le Rhône. La dame aurait pu aussi se revancher sur vous. C’est pourquoi nous vous avons soigné seuls.
    – Cette maison…
    – Un ami, dit Tiercelet. Nous avons besogné ensemble pour Datini, le plus gros mécréant d’Avignon. Je raccoutrais pour lui les haubergeons et les jupons de mailles que des houssepigneurs glanaient sur les champs de bataille et je fourbissais les barbutes, cuirasses, bassinets. Presque tous étaient tavelés de sang sec… Allons, dors un bon coup : demain tu iras mieux.
    – Qu’est-ce que c’est ?
Du lait de chèvre. Bois… Plus tard, tu lamperas grenache, hydromel, hypocras…
    –  Quel bel estour (287) que le vôtre !… Gozon était comme un gros niais au bout de votre épée…
Il ne me semblait pas… Le roi ?
    – Il mène la bonne vie.
La dame ?
Elle semble avoir quitté Villeneuve. Repose-toi…
    Moins de douleur. Une espèce d’engourdissement. Des sueurs toujours et toujours.
    – Comme chaque jour, nous allons défaire tes bandages.
    – Nous ferons doucement, n’ayez crainte. Chaque fois que nous voyons ces plaies, nous nous réjouissons : vous êtes presque guéri.
Mes forces se sont vidées.
Vous en obtiendrez de nouvelles !
    – Le roi ne s’est pas inquiété de mon sort ?
    – Non, messire. Seul Boucicaut m’a dit quand nous sommes partis : «  Soignez-le bien. Qu’il vive. Il le mérite. » C’est tout.
    Que faire ? Tristan décida de demander l’avis de Boucicaut. Il pouvait se soustraire, maintenant, à l’obsession de la mort… Vivre, ce serait quitter Avignon en excipant d’un bon prétexte, cheminer vers Castelreng puis vers Paris et Gratot… A quoi bon, cependant, faire halte à Castelreng. A quoi bon enfler le ressentiment qu’il vouait à Aliénor… Comme il se sentait faible !… Pourquoi Gratot ? Pourquoi Luciane ? Avait-il cette capacité d’aimer qu’elle avait cru discerner en lui ? Il ne se souvenait que de l’ovale de son visage. Il avait oublié la couleur de ses yeux alors que le vert de ceux d’Oriabel demeurait dans sa mémoire.
    – J’aimerais me lever.
    –  Vous tomberiez. Vous êtes maigre comme une lance.
    – Dors.
    – Je te croyais, Tiercelet, repu de ma présence.
    – Quand j’ai su que tu affronterais le champion de Jeanne de Naples, je me suis dit : «  Va voir ça. » Quand j’ai vu Gozon, j’ai pensé : « Il va périr. » Je n’avais pas le droit, quand ce gros ours t’a frappé, de courir jusqu’à toi. Je l’ai pris. Nul n’a bronché : ni les manants ni le Pape ni le roi ni cette ogresse… Mais…
    – Garde tes intentions pour toi… Ta présence m’est précieuse… J’ai besoin de recouvrer ta confiance…
    Épargne-moi d’autres soucis que celui de guérir.
    *
    Le dimanche 15 de ce mois de janvier 1363, Tristan fut debout toute la matinée en dépit des reproches de Tiercelet mécontent de cette imprudence. Il défaillit après avoir partagé son premier vrai repas avec ses amis et reprit connaissance sur son lit, les chairs moites, le crâne chancelant et le cœur affolé.
    – Que croyais-tu ? interrogea le brèche-dent. Que tu pourrais piéter, chevaucher à ton aise dès demain ou après-demain ?
    Tristan acquiesça. La lourde main de Tiercelet empauma son épaule tandis qu’un sourire

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