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La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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voila le joli regard bleu en amande.
    – Il me faut réfléchir, madame ma mère. En toute âme et en toute conscience, en tout cœur également, et je ne le puis en sa présence.
    Plaisance n'eut nul doute qu'elle faisait référence au comte de Mortagne. Elle patienta. Un autre silence s'installa, comme si les mots justes se refusaient à Alexia de Nilanay.
    – Tout s'est précipité à y perdre le sens. N'est-ce pas une cinglante ironie, la façon dont la vie se charge de rabattre notre caquet, de nous frotter le nez sur nos erreurs ? Songez. J'ai qualifié mes années d'existence entre les murs des Clairets de demi-mort. Tout m'y semblait figé. Je désespérais de retrouver l'agitation du dehors, ses saisissements, ses aventures. En bref, le temps s'étirait en longueur d'intolérable façon. Une sorte d'indolore agonie. Et puis, tout s'est accéléré, embrouillé au point que j'erre d'incertitudes en anxiétés.
    Sentant qu'Alexia ne parviendrait pas à avouer la nature de son désarroi, Plaisance tenta de l'aider :
    – Ne seriez-vous point aussi… charmée par monsieur de Mortagne que je ne le pensais ?
    Alexia de Nilanay ferma les paupières et leva le visage vers le plafond bas.
    – Trop. Bien trop, à l'évidence.
    – Je n'ai pas eu le sentiment – bien au contraire – qu'il vous comptait son affection. Sa terreur à vous savoir en danger, sa précipitation et son courage à vous secourir… tout indique un homme très épris.
    – Je suis aussi certaine de son cœur que du mien, murmura Alexia. Monsieur de Mortagne m'a demandée en union.
    Un peu égarée, l'abbesse s'enquit avec douceur :
    – Eh bien, mais alors… d'où vous vient cette envie de retraite, cette tristesse que je sens en vous ?
    – Il est homme d'extrême valeur, d'exception, et mérite le mieux. Voyez-vous, ma mère, je ne suis pas certaine, loin s'en faut, d'être de cette trempe-là. Je me suis tant égarée, j'ai triché, je me suis laissé aimer avec complaisance sans jamais me préoccuper d'aimer. Ai-je assez appris depuis ? Ai-je véritablement changé ? Suis-je à la hauteur de ce que peut légitimement espérer monsieur de Mortagne d'une épouse ? J'en doute et l'effroi me saisit. Je dois y voir clair et je ne le puis lorsqu'il est à mon côté. Tout se brouille alors, la tête me tourne et ma raison s'effiloche.
    Plaisance termina son gobelet d'infusion de menthe, de verveine et d'angélique au miel, maintenant refroidie.
    – À dire vrai, je vous verrais bien de « cette trempe-là », ma fille. Vos questions, vos tâtonnements le prouvent. Tant se seraient jetées sur la magnifique opportunité. Pas seulement par intérêt. Après tout, Mortagne est fort bel homme, d'excellente réputation, de grande intelligence et d'aimable humour.
    – Je veux le meilleur pour lui, s'obstina Alexia d'une voix presque inaudible.
    – Vœu qui indique que vous êtes sans doute ce meilleur. Quoi qu'il en soit, soyez la très bienvenue parmi nous. Réfléchissez tout votre saoul. Cependant, méfiez-vous du temps. Ainsi que vous l'avez dit, il file bizarrement entre nos murs. Il émousse des contours qui devraient rester vifs. Gardez intactes votre vivacité et celle de vos sentiments. Souvenez-vous : il est bien fol de souhaiter évaluer la passion à l'aune de la raison. Il est absurde de fixer le futur en le sculptant dans le passé. Que savez-vous du futur, Alexia ? Vous puisez vos inquiétudes dans un passé qui fut vôtre et que vous réprouvez. En d'autres termes, s'il vous était donné de revenir en arrière, le passé que vous construiriez aujourd'hui serait fort différent de celui d'hier. Nous sommes aussi le fruit de nos erreurs, du moins pour ceux d'entre nous qui les reconnaissent.
    Un soupir lui répondit. Le soulagement se lut sur le joli visage attristé qui lui faisait face.
    – Je savais, madame ma mère, que ma venue ici serait un réconfort. Voyez, quelques minutes en votre présence et le brouillard qui m'environne depuis des semaines semble se dissiper un peu.
    La jeune femme s'étonna à nouveau. Comment une jeune fille cloîtrée avait-elle pu accumuler tant de sagesse, de perspicacité ? Il semblait à Alexia qu'elle était un livre ouvert que Plaisance déchiffrait à la perfection, alors qu'elle-même se perdait entre les lignes de sa propre vie.
    – Adèle Grosparmi, ma nouvelle secrétaire, va vous conduire en l'hostellerie où Marguerite Bonnel, qui fait maintenant

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