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La dame de Montsalvy

La dame de Montsalvy

Titel: La dame de Montsalvy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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souvenir que Roquemaurel venait d'évoquer tel qu'on le racontait encore dans les villages, depuis Aurillac jusqu'à Rodez.
    — Rien. Mais il est devenu tout pâle et je l'ai vu un instant fermer les yeux. Alors j'en ai profité pour l'achever.
    « — Écoute-moi bien, que je lui ai dit, la dame de Montsalvy...
    Parce que c'est comme ça que tout le monde l'appelle par ici et continuera de l'appeler ! - elle restera chez nous autant qu'il plaira à Dieu mais tu pourras prévenir ton officiai que s'il ose venir perpétrer son déni de justice sur mes terres, il trouvera à qui parler. Vaudra mieux pour lui s'amener avec autre chose que des croix et des bannières parce que c'est pas tout à fait assez solide pour les parpaings, la poix fondue et l'huile bouillante, sans parler des flèches... qu'on ne lui ménagera pas !
    « — Tu seras excommunié !
    «— M'en fous ! Avec la vie qu'on mène depuis dix ans aux chanoines de Saint-Projet, Amaury et moi, y a beau temps que ça aurait dû m'arriver. Et ça ne m'empêchera pas d'aller droit chez le Seigneur le jour où il trouvera que j'ai suffisamment fait de bruit sur la terre parce que, lui, il doit être intelligent !
    « Alors, Montsalvy a tout d'un coup fait volter son cheval et puis il est reparti par où il était venu. Il sera rentré chez lui en faisant un détour. Mais quand il a piqué des deux je l'ai bien entendu qui criait :
    «— C'est ce qu'on verra !... Tu peux la prévenir de ce qui l'attend et après je reprendrai mes enfants !... » Voilà, Dame Sara, je vous ai tout dit. Je voulais vous en parler avant de raconter ça à cette pauvre petite...
    — Surtout gardez-vous-en bien ! Elle souffre assez comme cela.
    Mais dites-moi : croyez-vous qu'il puisse mettre sa menace à exécution, qu'à Rodez on puisse être assez stupide ?...
    — Pour avaler n'importe quelle couleuvre débitée avec conviction par quelques imbéciles pompeux et bien nés ? J'en mettrais ma main au feu !
    — À qui pensez-vous ?

    — À des gens que je connais bien... les ribauds de Vieillevie par exemple ou ce grigou de Montarnal. Imaginez que l'Arnaud ait laissé entendre qu'une fois débarrassé de sa pauvre adorable femme, il épouserait volontiers une des filles du coin, la Marguerite de Vieillevie ou l'Hauvette de Montarnal ? Ils seraient prêts alors à jurer par la messe, ces truands, qu'ils ont vu, de leurs yeux vu, cette pauvre Catherine coucher avec la moitié de la Châtaigneraie !...
    — Je vous crois ! dit Sara. Eh bien ! messire Renaud, je m'en tiens à ce que je vous ai demandé : pas un mot à Catherine de ce qui vient de se passer. Ça lui ferait trop de mal car j'ai bien peur qu'elle aime encore cet abominable personnage ! Et puis nous n'en sommes pas encore à jeter de l'huile bouillante sur l'évêque de Rodez.
    Ce fut donc cette nuit-là que Sara, enfouie dans les entrailles de Roquemaurel à la lueur des torches, pétrit de ses mains habiles deux figurines de cire, l'une vêtue comme une femme, l'autre comme un homme, deux figurines de cire à travers lesquelles, les yeux durs et les lèvres murmurant des paroles étranges dans une langue aux secrets perdus, elle enfonça de longues aiguilles qu'elle avait fait auparavant rougir au feu. Des parfums âcres brûlaient en dégageant une fumée noire sur les braises d'un réchaud et l'ombre de Sara s'étirait sur la muraille salpêtrée comme le fantôme même de la haine...
    Lorsqu'elle eut achevé son terrible ouvrage, elle enferma les figurines dans un coffret qu'elle enterra dans un coin du caveau, éteignit ses torches, reprit sa chandelle et remonta lentement vers la tour où elle avait son logis. Ses mains, toujours si sûres, tremblaient mais son visage, aussi gris et aussi dur que les vieilles murailles qu'elle longeait, était brillant des larmes qu'elle ne pouvait retenir car, pour sauver celle qu'elle aimait plus que sa vie, Sara la Noire venait de mettre en péril de damnation son âme immortelle...
    Trois jours passèrent encore jusqu'à ce qu'un matin les portes de Montsalvy crachassent un flot désordonné d'hommes, de femmes, d'enfants poussant des bestiaux et tirant des charrettes où l'on avait empilé, à la hâte, ce que l'on avait de plus précieux... Le soleil brillait haut dans le ciel serein, impitoyablement serein. Pourtant toute cette foule portait la terreur inscrite sur son visage innombrable. Les cloches de l'église abbatiale sonnaient dans l'air immobile un glas sinistre qui

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