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La dame de Montsalvy

La dame de Montsalvy

Titel: La dame de Montsalvy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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nuages en formation vers l'ouest. Peut-être la pluie va-t-elle enfin venir...
    — Eh, ma belle, qu'ils aillent donc chez les bons chanoines et les bonnes dames de Saint-Projet ! Les communautés religieuses c'est fait pour ça et la charité chrétienne c'est leur travail, à eux !
    Il y eut un silence que meublèrent bientôt les cris qui s'élevaient au-dehors, les appels et les supplications. Catherine alors se raidit, serrant ses deux mains l'une contre l'autre.
    — Ouvrez-moi la porte, Renaud ! Je veux aller vers eux !
    — Non !

    — Je vous en supplie ! Qu'importe si je risque ma vie. J'ai le droit d'en faire ce que je veux... et je ne suis pas sûre qu'elle ait encore quelque chose à m'apporter. Ouvrez !
    Renaud plongea son regard furieux dans les yeux de la jeune femme.
    — Si j'ouvre, Catherine, je refermerai... et vous ne pourrez plus rentrer. Vous devrez rester avec eux.
    Bien droite, elle soutint calmement son regard, s'efforçant de cacher la peur qui se glissait en elle car il n'était pas de chose plus redoutable que la peste.
    — Je le sais mais, une dernière fois, je vous demande de m'ouvrir cette porte. Je suis la dame de Montsalvy, leur dame et c'est mon devoir d'aller vers eux pour les aider.
    Un concert de protestations, de supplications s'élevait autour d'elle, mais elle refusa de les entendre se dirigeant vers la poterne d'un pas ferme.
    — Attendez-moi ! Je vais avec vous ! cria quelqu’un.
    Et Josse dégringolant des chemins de ronde accourut auprès d'elle, repoussant d'un geste doux mais ferme les bras de Marie qui essayait de le retenir. Alors, dans un grand silence soudain, Renaud abaissa lui-même le petit pont, ouvrit la porte basse par laquelle tous purent apercevoir la longue file des fugitifs.
    — Prends soin de mes enfants, Sara ! cria Catherine.
    Et, suivie de Josse, elle se mit à courir vers ceux que le droit féodal et l'amitié faisaient siens. L'apercevant alors, Gauberte courut vers elle et s'abattit, sanglotante, dans ses bras...
    Sous la main de Catherine qui, à l'aide de son mouchoir et d'un peu d'eau tirée des deux outres que Josse avait apportées sur son dos pour donner à boire aux arrivants, essuyait doucement son visage maculé, Gauberte se calmait petit à petit et parvenait à raconter ce qui s'était passé. Cela tenait d'ailleurs en assez peu de mots.
    Toute la nuit le vacarme qui se faisait au château avait tenu la cité éveillée. Depuis deux jours on y fêtait l'arrivée de trois hommes qui étaient venus du sud avec un chariot contenant des femmes dont la peau sombre disait assez qu'elles avaient dû voir le jour quelque part dans le sud de la Méditerranée. En franchissant la porte d'Entraygues, l'homme qui semblait le chef avait dit que ces femmes étaient des esclaves qu'il devait offrir au duc de Bourbon de la part de son maître, le roi d'Aragon Alphonse V le Magnifique, et qu'il venait de Marseille. Il demandait l'abri pour la nuit et l'abri il l'avait eu plus qu'il ne l'espérait car les portes du château s'étaient instantanément refermées sur les femmes. Les nouveaux compagnons d'Arnaud de Montsalvy n'étaient pas hommes à laisser passer pareille aubaine sans en profiter abondamment, l'expéditeur du cadeau et le destinataire ne signifiant strictement rien à leurs yeux en regard de leur bon plaisir.
    L'orgie avait donc fait rage pendant trois nuits, mais quand le soleil s'était levé ce matin les paysans qui arrivaient au marché avaient pu voir un spectacle épouvantable : un homme qui était sorti du château en titubant et en hurlant, un homme entièrement nu dont tout le corps était marbré de larges plaques noires. Il avait fait quelques pas puis il s'était abattu de tout son long dans la poussière, vomissant une horreur noire qui avait tout de suite renseigné ceux qui regardaient.
    — La peste !...
    Le cri d'alarme avait, en un rien de temps, fait le tour de la ville, semant une folle panique. Et tous n'avaient plus eu qu'une seule idée : fuir, emporter leur vie le plus loin possible de ce château sur lequel venait de s'abattre la malédiction du ciel, refusant d'entendre les exhortations des moines de l'abbaye qui leur conseillaient de s'enfermer chez eux et qui
    d'ailleurs, devant leur impuissance à endiguer l'exode, s'étaient barricadés à l'abri de leurs propres murailles derrière lesquelles on avait bientôt pu voir s'élever les fumées des paquets de plantes balsamiques qu'ils brûlaient pour assainir

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