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La dame de Montsalvy

La dame de Montsalvy

Titel: La dame de Montsalvy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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pas encore mortes et si tu veux savoir je n'ai aucunement l'intention de mourir, pas plus que de te laisser passer, sans combattre, de vie à trépas. Et maintenant en route ! Josse nous accompagne ?
    —
    Cette question ! marmotta l'interpellé en haussant les épaules et en envoyant un baiser au chemin de ronde.
    —
    Parfait ! Vous autres, ajouta la zingara en s'adressant à la foule répandue dans l'herbe sèche de chaque côté du chemin, avec la mine éreintée des moutons qui attendent le couteau du boucher, la dame de Roquemaurel m'envoie vous dire de rebrousser chemin jusqu'aux vieilles métairies que vous voyez là-haut. Elles sont un peu ruineuses mais elles vous offriront un abri suffisant s'il venait à pleuvoir, ce que je nous souhaite à tous. En outre, il y a une citerne où il y a encore de l'eau.
    Josse aida Catherine à enfourcher sa mule, s'installa sur la troisième et prit la tête du petit cortège devant lequel chariots et bétail s'écartaient.

    — Dame Catherine ! cria Gauberte les mains en porte-voix.
    La jeune femme se retourna.
    — Oui, Gauberte ?...
    — S'il n'y avait que moi, j'irais avec vous je le jure !... mais j'ai dix gosses et j'ai peur... on a tous peur ! Vous ne savez pas ce que c'est que la peste, vous !
    — Si, je le sais, répondit Catherine qui se souvenait trop bien de son bref séjour entre les murs de Chartres durant une épidémie et y puisait curieusement une sorte de réconfort. C'est pour ça que je rentre. Mais ne vous tourmentez pas : quarante jours sont vite passés... On se reverra peut-être !...
    Et sans plus se retourner elle rejoignit Sara et Josse s'efforçant de ne plus voir ce château où elle laissait la plus tendre partie d'elle-même, ses petits qu'elle venait peut-être de se condamner à ne plus jamais revoir, s'efforçant aussi de lutter contre la peur que lui inspirait la mort noire... et aussi ce qu'elle allait découvrir quand elle aurait obligé frère Anthime à ouvrir devant elle les portes de sa maison prématurément transformée en tombeau.
    Tout en marchant auprès d'elle, Sara l'observait du coin de l'œil, émue par ce petit pli de détermination qui marquait ses lèvres douces, des lèvres qui ne pouvaient, malgré tout, s'empêcher de trembler. Au bout d'un moment, elle n'y tint plus et tout bas, pour que Josse n'entende pas, elle murmura :
    — Comme tu l'aimes encore en dépit de tout ce qu'il t'inflige !
    — Ne dis pas de sottises ! J'accomplis mon devoir, rien que mon devoir ! fit Catherine, sans tourner la tête pour ne plus rencontrer le regard noir, trop perspicace, dont elle connaissait bien le pouvoir sur son esprit : jamais elle n'avait réussi à mentir à Sara.
    Nul, pas même Dieu, ne peut exiger d'une femme qu'elle sacrifie sa propre vie pour voler au secours de l'homme qui la rejette.
    — Le jour où je l'ai épousé, j'ai juré de le servir, de l'aider, de le secourir...
    — Tu as surtout juré de l'aimer et je reconnais que tu es incroyablement fidèle à ton serment. Essaie de voir la vérité en face, Catherine. Tu es en train de prendre la mesure de ton amour, tout simplement.
    — Quelle stupidité !
    — Stupidité ? Crois-tu ? Ce n'est pourtant pas un imbécile qui a dit cela : « La mesure de l'amour c'est d'aimer sans mesure... » L'abbé Bernard qui m'a un jour cité cette parole, à ton sujet d'ailleurs, disait qu'elle était de saint Augustin...
    Il faisait nuit noire quand ils arrivèrent à Montsalvy vers trois heures du matin et la ville ressemblait à un fantôme noir sur le ciel ténébreux. Seule, une fumée grise à reflets rougeâtres montait le long du clocher de l'église et l'éclairait un peu : les feux qu'avaient allumés les moines. Le vent d'ailleurs apportait leur odeur balsamique. Le silence était profond, les chemins de ronde déserts, privés de leurs feux de veille et de l'écho du pas ferré des sentinelles. Mais ce fut la vue de sa maison qui serra le plus cruellement le cœur de Catherine car aucune lumière n'y paraissait, aucun bruit n'en sortait... Les fenêtres du logis que l'on pouvait apercevoir par-dessus la muraille qui doublait celle de la ville, étaient obscures elles aussi.
    — Y a-t-il encore quelqu'un de vivant ? murmura Catherine en se signant. Il est difficile d'y croire !
    — Il faut y aller voir, marmotta Josse et pour cela nous faire ouvrir d'abord la porte de la ville. Les moines ont jugé inutile d'assurer une garde quelconque, avec juste raison

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