La dame de Montsalvy
dernière fois comme tu savais si bien m'aimer jadis ! Je veux te donner cette nuit tout entière... et je veux savoir si l'amour d'un homme peut encore me faire éprouver autre chose que l'horreur !...
Une demi-heure plus tard, elle savait que Prudence avait fait du bon travail et qu'à défaut de son âme, le mécanisme délicat de son corps ne gardait aucune trace des violences subies, que la joie d'amour était toujours la même et qu'en tout état de cause, la sagesse serait d'essayer d'oublier dès que la science de la Florentine aurait fait disparaître les dernières marques tangibles du malheur. Dans les bras de celui qui, jadis, lui avait appris l'amour, Catherine recevait un étonnant bain de jouvence car, pour Philippe, le plaisir était un art nuancé, délicat et il savait y apporter une attention et une douceur rares chez les hommes de ce temps rude. La femme qu'il enveloppait du réseau savant de ses caresses recevait tant qu'elle ne pouvait s'empêcher de donner à son tour.
Plus tard, étendue dans la soie froissée du lit tandis qu'il reposait, Catherine, les yeux grands ouverts, le corps délicieusement las mais l'esprit léger, découvrit qu'au lieu d'éprouver un quelconque remords d'avoir aussi complètement trompé Arnaud elle en tirait une satisfaction maligne comme d'une vengeance réussie mais dépourvue de toute amertume. Elle avait trop souffert par lui pour ne pas trouver à cette revanche un goût d'autant plus délicieux qu'il n'aurait pas de suite. Demain elle repartirait vers de nouvelles difficultés, de nouvelles douleurs, mais le souvenir de l'oasis rose de cette nuit des Rois lui serait secourable comme un chaud rayon de soleil entre deux ondées glaciales.
Tout à l'heure, après que Philippe eut fait exploser pour la première fois le plaisir au fond de sa chair, il avait demandé:
— Pourquoi m'as-tu dit que l'amour te faisait horreur ? Ton mari est-il donc, en définitive, cette brute sans cœur que je soupçonnais ?
Et elle s'était trouvée gênée, hésitante, tentée peut- être de lui dire la vérité. Mais dire la vérité c'était faire pénétrer la violence brutale du viol dans ce doux asile de volupté. Elle s'y était refusée et s'en était tirée par un éclat de rire et une boutade.
— Un mari ce n'est bien souvent qu'un mari ! Et puis, surtout, les temps cruels que nous vivons montrent trop souvent l'amour sous ses couleurs les plus atroces, celles de l'assouvissement brutal. J'ai vu bien des choses abominables depuis que nous nous sommes quittés...
Pour le détourner de ces questions dangereuses, elle lui avait rendu ses caresses, réveillant très vite un désir qui ne demandait que cela.
Quand les cloches du couvent voisin sonnèrent matines, le Duc s'éveilla et d'un baiser réveilla Catherine qui avait fini par s'endormir.
Il faut que je te laisse à présent, mon cœur, et Dieu m'est témoin que cela m'est pénible ; mais la nuit s'achève.
— Déjà ?
Dans l'ombre rose de l'alcôve éclairée par la veilleuse elle le vit sourire, ravi et ému.
— Merci pour ce déjà, fit-il en lui baisant la main... Mais, Catherine, si la nuit t'est apparue si brève, pourquoi ne pas la continuer... la recommencer ? Reste ! Reste-moi encore un peu.
Aujourd'hui et la nuit prochaine ! J'ai encore tant de caresses à te donner ! J'ai encore tellement envie de t'aimer.
— Non. Il ne faut pas... Car demain tu me demanderais de rester davantage et moi... oh, Philippe, non je t'en prie !...
Il étouffa sa protestation d'un baiser tandis que ses doigts légers glissaient le long de son ventre vers l'intimité déjà brûlante de sa chair qu'ils n'eurent guère de peine à forcer. Avec un soupir heureux Catherine s'abandonna, s'ouvrit comme la corolle d'une fleur sous l'assaut d'une abeille... Et la houle violente du plaisir les emporta de nouveau, si forte et si profonde que la jeune femme épuisée glissa doucement dans le sommeil.
Elle ne s'aperçut pas que Philippe glissait du lit, s'enveloppait de sa longue robe noire et quittait la chambre tiède après un dernier baiser posé sur son épaule...
Ce fut une main froide sur cette épaule qui la tira du sommeil. Dans l'ombre de la chambre, Catherine, les yeux encore brouillés, vit la forme sombre d'une femme debout auprès de son lit. Les bougies mourantes ne donnaient plus qu'une faible lumière et aucune clarté ne filtrait encore aux interstices des volets de bois plaqués sur les vitraux des
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