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La danse du loup

La danse du loup

Titel: La danse du loup Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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de rire, d’un rire puissant, tonitruant. Il lui ouvrit les bras et l’accola. À l’instant même où Arnaud tournait de l’œil et s’affaissait à l’intérieur de sa cage, le chevalier de Montfort, grand vainqueur du jugement de Dieu, s’effondra aux pieds du vaincu.
    Dans un roulement sourd et rapide, les tambours martelèrent la fin du combat. Quelqu’un lança : « Vive le Roi Hugues ! Vive le chevalier de Montfort ! Longue vie au chevalier de Sidon ! » imité par des centaines de voix dans l’assistance, puis par des milliers d’autres. La foule changeait de camp et d’avis aussi vite et aussi aisément qu’un feu par vent tournant.
    Les trompettes déchirèrent l’air de toute leur puissance pour annoncer la fin de l’ordalie. Le roi Hugues se leva. Ses barons aussi. J’observais la princesse Échive. Elle semblait avoir repris ses esprits. Son regard nous fixait étrangement. Elle devait voir mes lèvres remuer, à défaut de pouvoir ouïr le poème que je fredonnai a capella  :
     
    Je suis une force rouge et sauvage,
    Trempée dans l’acier de la forge de Vulcain,
    Qui entraîne toute vie dans son sillage
    Et brise par le fer et le feu les chagrins.
     
    Je suis une force sauvage,
    Bercée par la douce mélodie
    Qui enchaîne au loin dans les blancs nuages,
    Les âmes noires de la mélancolie.
     
    Geoffroy de Sidon, le vaincu de l’ordalie, porta lui-même Foulques de Montfort dans ses bras, vers la tente où ils devaient recevoir, l’un et l’autre, des soins pour leurs navrures. Les spectateurs applaudirent à force claques des mains.
    Le roi Hugues ordonna à son capitaine d’armes de nous libérer incontinent et de nous mener à lui. Le héraut d’armes qui arborait la croix de l’Ordre de l’Hôpital, s’était esbigné discrètement. La foule se dispersait en clabaudant à tout va.
    D’aucuns devaient regretter de n’avoir pu assister à l’agonie des écuyers. Ils ne pouvaient imaginer qu’ils ne tarderaient pas à jouir de ce spectacle immonde.
     
     

     
     
    À l’instant où nous approchions de la tribune royale, dans notre chainse blanche de condamnés qui ne serait pas rougie de notre sang ce jour, la princesse Échive s’écria à gueule bec :
    « Eux, je les reconnais ! Oui ! Ce sont eux ! »
    Nous nous regardâmes, consternés, Arnaud et moi. La princesse s’était levée et désignait d’un doigt vengeur deux écuyers. C eux qui avaient aidé Foulques de Montfort et Geoffroy de Sidon à se relever, à la fin de l’ordalie.
    Sur un signe du roi, son capitaine d’armes les fit saisir avant qu’ils n’aient eu le temps de revenir de leur stupeur.
     
    Le roi Hugues se tourna alors vers nous et nous regarda longuement avant de nous demander :
    « Or donc, messire Brachet et vous, messire de la Vigerie, m’expliquerez-vous à la parfin par quel malheureux hasard vos cottes aux armes du baron de Beynac ont-elles pu se trouver dans la chambre de ma bien-aimée fille Échive ? »
    Je n’avais personnellement aucune réponse à donner et me tournai vers Arnaud. Contre toute attente, il s’agenouilla aux pieds du roi, lui prit la main pour en baiser l’émeraude et avoua qu’il s’était costumé avec quelques pages et écuyers pour danser des espingales. La veille du jour où la princesse fut forcée.
    Il reconnut tout chagrin, d’une voix blanche, avoir lui-même revêtu un surcot aux armes des Lusignan. L’estampie s’était achevée lorsqu’ils furent tous… à demi dévêtus. Arnaud admit avoir consommé, avec ses compains de beuverie, moult pintes de vin de la commanderie hospitalière. Quelques pintes de trop. Il s’était effondré à même le sol et avait oublié de récupérer nos surcots avant de regagner notre logis au petit matin.
    Je fus à deux doigts de lui balancer une gifle. J’étais fol de rage. Mais la colère est mauvaise conseillère, m’avait toujours dit le baron de Beynac. Alors que j’hésitai à commettre ou non ce geste devant le roi de Chypre et de Jérusalem, ce dernier, le fixant droit dans les yeux, lui dit d’une voix calme et douce qui ne masquait pas son courroux :
    « Messire de la Vigerie, avez-vous conscience qu’une cotte d’armes n’est pas un déguisement de frippes comme plaisent à s’en revêtirent les drolettes dans leur plus jeune âge ?
    « Et buvez avec plus de modération notre vin de la commanderie hospitalière, aussi bon soit-il ! Évitez aussi, à l’avenir, de

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