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La danse du loup

La danse du loup

Titel: La danse du loup Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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haubert, messire Bertrand ? Eu égard à la forte stature du chevalier de Sidon, je craignais en outre d’être désarçonné lors de la joute. Je savais dès lors pouvoir me redresser plus aisément.
    — M’avez-vous ouï lorsque j’ai hurlé : “Les poulaines, messire Foulques ! Les poulaines !”
    — Oh, oui ! Vous aviez compris quel parti magnifique on peut tirer d’un adversaire ainsi chaussé, lorsqu’il a vidé les arçons. Je n’ai pas laissé au chevalier de Sidon le temps de détacher ses poulaines de ses solerets. Mais, au risque de vous décevoir, j’y avais songé… Oui, j’attendais le moment propice.
    — Dites-moi, messire : pourquoi avoir risqué votre vie pour nous ? D’autant plus qu’Arnaud n’était point en notre compagnie le jour où la princesse Échive a été forcée, si je ne me trompe ? »
     
    Le chevalier me prit à l’écart et me demanda si j’étais capable de garder un secret. Un secret que je ne devrais révéler à quiquionques, ma vie durant.
    « Même sous la torture, messire Foulques ? dis-je d’un air fétot.
    — Ne faites point trait de risée sur ce sujet, messire Brachet. Personne ne résiste à la question. On parle ou on meurt, affirma-t-il tout à trac. Les plus robustes d’entre nous sont encore plus vulnérables. Le bourreau les ramène plus facilement à la vie que les êtres faibles.
    « Nous résistons plus longtemps. Il poursuit sa triste besogne jusqu’à ce qu’on finisse par avouer ce que les tourmenteurs veulent entendre. Avouer n’importe quoi. Pour mettre un terme aux supplices endurés par le corps et par l’esprit. »
    Surpris par le ton grave qu’il employait, je le priai de m’excuser, l’air un peu quinaud :
    « Je reconnais que ma saillie était d’un goût douteux. Mais pardonnez cette question : messire, parlez-vous d’expérience en évoquant une soumise à la question ? »
    Le chevalier se rembrunit et observa le ciel un long moment avant de me répondre :
    « Non point, messire Bertrand. Dieu soit loué ! Je l’ai seulement ouï dire par quelque parent qui le tenait lui-même d’aucuns de ses aïeux. Je ne puis en dire plus. Que Dieu ait leur âme ! » murmura-t-il, en faisant le signe de la Croix.
     
    Je n’insistai pas. Il ne souhaitait pas s’étendre sur le sujet ; c’était clair. Pensait-il à celui qui fut peut-être l’un de ses ancêtres, Simon de Montfort, ce chevalier de langue d’oïl qui avait traqué avec une férocité impitoyable les Parfaits et remis aux inquisiteurs tous ceux qui étaient soupçonnés d’hérésie albigeoise ? Pour y être jugés selon les règles de la sainte Inquisition. Avant de finir sur le bûcher. Au début du siècle précédent.
    Le chevalier ne m’ayant point fait de confidence :
    « N’étiez-vous pas sur le point de me prier de jurer sur les Évangiles quelque secret, messire Foulques ? Je suis prêt, mais à parler franc, sous la torture…
    — Rassurez-vous, personne ne songera oncques à vous soumettre à la question. Je vous le souhaite de tout cœur. Sachez seulement tenir votre langue. »
    Le chevalier de Montfort me présenta un petit crucifix qu’il portait sous sa chemise. Je jurai sur la Croix. Le chevalier me confia un secret.
    Un secret d’une telle gravité que je ne puis l’évoquer. Il concernait Arnaud. Ébaudi, je n’en crus tout d’abord pas mes oreilles. Et pourtant je commençais enfin à entrevoir les raisons secrètes de bien des choses.
    Tout au moins le pensai-je en ces instants empreints d’une grande solennité dont j’étais alors incapable de mesurer les graves conséquences.
    Ce fut pourtant ce jour que mes yeux se dessillèrent soudainement sur des événements et sur des comportements dont je n’aurais pu saisir avant longtemps le sens profond. Sans ce surprenant et étonnant aveu.
     
    J’en fus bouleversé. Il venait de m’apprendre quel homme était son père.

Le plus haut ordre avec l’épée
    Que Dieu ait fait et commandé,
    C’est l’ordre de chevalerie
    Qui doit être sans vilenie.
     
    Chrétien de Troyes « Le conte du Graal   »
     
     
     
     
    Chapitre 13
    Entre Nicosie et Saint-Hilarion, avant d’embarquer à Famagouste, à l’automne de l’an de grâce MCCCXLVII {xvi} .
     
    Avant de nous rendre au festin royal auquel le roi Hugues nous avait conviés, le chevalier de Montfort me pria de l’accompagner en la chapelle de la Vierge, à l’intérieur de la cathédrale.

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