La danse du loup
l’occire sur le champ.
Six carreaux d’arbalète seraient décochés incontinent. À cette distance, ils pouvaient percer, voire transpercer de part en part l’armure la mieux trempée. Et le chevalier de Montfort ne portait qu’une simple cotte de mailles. Mais il n’était point félon. Six autres arbalétriers resteraient parés à tirer. À chaque groupe, la cible de son choix.
Foulques réussit à se relever en titubant. Son haubert était beaucoup moins lourd que le harnois plain du chevalier de Sidon. Et Foulques était solide comme un roc.
Mais il ne disposait désormais plus que d’une moitié d’écu pour se protéger des coups que lui assènerait son adversaire, et d’une simple hache pour défendre sa vie, au sol, contre un cavalier en armure qui se préparait à se ruer sur lui. Pour l’achever d’un violent coup tourbillonnant.
Le géant balançait mollement son aspersoir d’eau bénite à dextre. Le fléau prit son envol fatal dès qu’il chargea au galop.
Montfort réagit promptement. Au dernier moment, il se déplaça vivement, face à son adversaire, soleil dans le dos. Le géant, surpris par la manœuvre, balançait déjà l’étoile du matin en un mouvement de grande ampleur.
Elle atteint derechef le bouclier de Foulques, le lui arracha des mains et le projeta en l’air. L’autre moitié d’écu vint s’écraser contre nos cages et nous dûmes retirer vivement nos doigts qui étaient grippés aux barreaux.
Une bête fauve, encore en selle, en grand harnois, blessée, pouvait devenir plus dangereuse qu’un loup affamé de chair fraîche. Ivre de douleur (l’épaule fracassée) ou ivre de joie (il sentait la victoire lui sourire), le chevalier de Sidon s’apprêtait à asséner le coup de grâce au vaincu.
La hauteur de laquelle, sur son destrier, il dominait un adversaire à terre, rendu à merci et démuni de tout bouclier, l’incita à projeter son fléau du meilleur côté pour lui, à dextre, du haut vers le bas et non plus en un mouvement tournoyant à hauteur du heaume. L’amplitude du geste pouvait être fatale au chevalier de Montfort.
Au risque d’être piétiné par le destrier, Foulques se ploya et fit un gigantesque pas de côté pour se placer à la senestre de Sidon. Son adversaire l’attendait à sa dextre.
Entraîné par son élan, Sidon fut pris sans vert. Dans un geste d’une grande maladresse, il commit une erreur. Une erreur grave. Au dernier moment, il modifia la trajectoire de son fléau pour le projeter, non plus à dextre mais à senestre, par-dessus l’encolure de son destrier.
Le mouvement eut moins d’ampleur qu’il n’en aurait eue si Montfort avait affronté l’assaut de l’autre côté. En bout de course, la chaîne du fléau d’armes s’enroula en sifflant autour du manche de la hache de guerre. L’étoile du matin se bloqua entre la hampe et la lame.
Pour avoir balancé l’aspersoir du mauvais côté, Sidon avait dû se contorsionner sur sa selle et prendre fortement appui sur son étrier à senestre. Foulques s’arc-bouta et tira à lui de toutes ses forces. Au risque d’être piétiné par le destrier s’il ne réussissait pas à vider son adversaire des arçons.
Sentant le danger, en mauvais équilibre, Sidon commit une autre erreur pour tenter de se dégager : il piqua vivement son destrier de ses éperons à molette. Le destrier obéit bravement, rua et désarçonna son cavalier. Le chevalier Geoffroy de Sidon chut sur le sol et s’écrasa sous le regard étonné de sa monture.
Six autres arbalétriers pointèrent leur sagette en direction du chevalier de Sidon, le doigt sur la queue de détente.
La foule hurlait et trépignait. Tous les occupants de la tribune s’étaient levés comme un seul homme. Tous, sauf la princesse Échive. Elle fixait la scène, le regard vide, l’air indifférent.
Sidon tenta de se relever. Montfort était tombé à genoux. Il tenait toujours sa hache d’armes en main. Mais Sidon avait néanmoins réussi à arracher le fléau dont la chaîne s’était enroulée autour du manche de la hache de Montfort. Le combat n’était pas terminé.
Aussi incroyable que cela puisse paraître en raison du poids d’une armure qui devait bien peser dans les cent vingt livres, le géant parvint à se relever. Péniblement certes, mais à se relever tout de même en basculant sur le côté et en prenant appui sur ses cubitières et sur ses genouillères. Avant que
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