Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La danse du loup

La danse du loup

Titel: La danse du loup Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
Vom Netzwerk:
Blanche me l’a seulement présenté un jour. C’est le chevalier Gilles de Sainte-Croix, membre de l’Ordre de l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem.
    — Un frère ?
    — Un soldat aussi.
    — Je ne savais pas que les Hospitaliers possédaient une commanderie au Mont-de-Domme ?
    — Les Hospitaliers n’y ont point de commanderie, mais ils possèdent une simple maison forte, à une ou deux lieues d’ici, à côté de l’église de Cénac.
    « Te souviens-tu que les Hospitaliers ont hérité d’une partie des biens des Templiers depuis la condamnation d’iceux par feu notre roi Philippe le Bel ? »
    — Je n’étais pas né, mais oui, je sais ! répondis-je sèchement.
    — Blanche m’a dit que le chevalier de Sainte-Croix était chargé par Hélion de Villeneuve, le grand maître de l’Ordre des Hospitaliers qui réside à Rhodes, d’organiser la gestion des biens qui leur ont été dévolus en Aquitaine.
    « Blanche a beaucoup d’admiration pour lui. C’est un grand savant, paraît-il. Et un grand physicien. Il soigne aussi des lépreux, avec beaucoup de charité. C’était leur vocation initiale du temps des pèlerinages de la Croix. »
    J’envisageai aussitôt de planter là Arnaud et Étienne, pour rendre visite incontinent à ce grand savant, lorsque je remarquai qu’Étienne, l’air de rien, ne pipait mot. Il ne perdait pas un mot de notre conversation :
    « Alors Étienne, vous vous passionnez pour les frères à présent ? Il est vrai que le temps de carême-prenant commence la semaine prochaine ! N’oubliez pas d’aller à confesse avant Pâques, mécréant !
    — Vous êtes maladroit, Brachet, maugréa-t-il en me jetant un regard noir. Avez-vous déjà ouï le son des crécelles ?
    — Euh… non. Pourquoi ?
    — Si vous l’aviez déjà entendu, vous sauriez ce que signifie la musique qui accompagne les déplacements des lépreux : j’ai un parent qui habite la maladrerie située à un jet de pierre de l’enceinte de Pierreguys », me répliqua-t-il sèchement.
    Étienne s’était soudain remochiné. Sa jovialité avait brusquement cédé la place à une grande tristesse. Son visage s’était refermé comme une huître.
    Arnaud ne bronchait pas. Il restait muet comme une carpe.
    « Pardonnez-moi, Étienne, je ne pouvais savoir… balbutiai-je fortement déconforté.
    Bien sûr, bien sûr. Laissez tomber. À présent, je vais devoir vous quitter.
    Ne voulez-vous pas rester séant et casser la croûte avec nous ?
    Non, merci. À demain ! » lança-t-il en se levant et en quittant la taverne après avoir réglé son écot.
    « Bertrand, tu l’as vexé, tu es un âne mal bâté, se crut obligé de surenchérir Arnaud.
    —  Asinus asinum fricat, les ânes ne fréquentent que leurs congénères », déclarai-je bêtement en imitant notre barbier. J’étais gêné, contrarié et je m’enlisai incongrûment dans mes propos.
    « Comment voulais-tu que je sache ?
    — Tu ne surveilles pas assez tes paroles. Trop prompt à plaisanter d’un rien, trop prompt à tirer l’épée, me répondit-il d’un air narquois en me jetant un coup d’œil appuyé. Tu blesses tes interlocuteurs par ignorance », ajouta-t-il pour me picanier.
    Je ne relevai pas son sermon : s’il y avait un âne dans cette pièce, c’était bien moi. Il n’avait pas tout à fait tort. Un seul point positif : j’étais convaincu que le chevalier de Sainte-Croix était le gentilhomme qu’il me fallait visiter pour mettre enfin un nom sur ce fantôme au visage angélique dont je rêvais toutes les nuits et auquel je pensais douloureusement tous les jours.
     
    Bien mangé. Bien bu. Merci petit Jésus. Nos destriers aussi, à ouïr la somme que nous avions dû bailler lorsque notre tenancier, à l’embonpoint prononcé, nous l’avait joyeusement annoncée : nos bourses pesaient désormais trois fois moins lourd.
    Quand nous sortîmes de la taverne, le soleil s’inclinait sensiblement à l’ouest. Nous avions encore entre quatre et cinq lieues à parcourir. Nous n’avions plus le temps d’aller et aux Mirandes et au Mont-de-Domme ensemble.
    Dépité, j’en fis part à Arnaud qui me proposa aussitôt d’alterner. Ou bien renoncer à la visite que nous devions faire au forgeron des Mirandes (il savait que c’était impossible) ou séparer nos chemins : j’irai seul aux Mirandes pendant que lui se rendrait à la maison des Hospitaliers à Cénac et au Mont-de-Domme.

Weitere Kostenlose Bücher