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La danse du loup

La danse du loup

Titel: La danse du loup Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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personne.
     
    Au moment où je m’apprêtai à quitter ma chambre, mes effets personnels et mes souvenirs, pour plonger dans les ténèbres et me rendre à la justice, j’entendis une voix grave que je reconnus aussitôt. Le baron s’était avancé ; il s’enquit :
    « Prévôt, que reproche-t-on au juste à l’écuyer Brachet de Born ? »
    Je m’approchai à nouveau de la fenêtre à petits pas, le cœur battant la chamade, les mains cramponnées à mes chausses, faute d’avoir pris le temps de les lacer à hauteur de la taille. Pour éviter qu’elles ne glissent sur mes chevilles et ne dévoilent l’autre partie, la partie la plus intime de ma personne.
    Je tendis l’oreille, en prenant garde de ne pas me montrer :
    « Nous avons ordre de conduire le dénommé Brachet de born à la prévôté pour le soumettre à la question. Votre écuyer est soupçonné d’un crime infamant : l’assassinat de messire Gilles de Sainte-Croix, chevalier de l’Ordre de l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem, survenu il y a quinzaine !
    — Par Saint-Denis ! s’écria le seigneur de Beynac, manifestement troublé.
    — Voici la lettre patente me mandant la mainmise sur sa personne. Ordonnant à chacun d’y prêter main-forte, si nécessaire ! Vous reconnaîtrez les sceaux du sénéchal, messire de Verderac et de l’évêque, monseigneur de Royard », dit-il en brandissant sous le nez du baron un parchemin enroulé, revêtu d’un ou deux cachets de cire.
    J’observai du coin de l’œil mon maître se saisir du parchemin, en briser les sceaux et prendre connaissance du document. Les battements de mon cœur s’affolaient. Des sueurs froides me parcouraient la nuque. Mes mains étaient moites. Je retenais ma respiration. J’épiais le comportement du seigneur de Beynac.
    Il fît signe à Michel de Ferregaye de s’approcher et lui glissa quelques mots à l’oreille. Ce dernier hocha la tête et s’éloigna, la main sur le pommeau de son épée.
    Puis, après un lourd silence juste troublé par le hennissement de quelque roussin, le baron de Beynac se tourna vers le prévôt et dit d’une voix calme mais d’un ton ferme :
    « Messire prévôt, vous savez bien que j’ai droit de haute et basse justice pour tout crime commis sur l’ensemble de la baronnie ? N’auriez-vous pas vu les quatre gibets plantés au pech de la Fière ?
    — Certes, messire baron. Mais le crime a été commis à Cénac, dans la maison même des Hospitaliers qui relève de la justice royale de la bastide de Domme. En conséquence, le sénéchal du Pierregord et l’évêque de Sarlat ont compétence pour faire comparaître le coupable devant leur tribunal. »
    Le prévôt reprenait de l’assurance. Il osa même renchérir, d’un air un peu hautain :
    « Vous savez de surcroît qu’un crime aussi abominable commis contre un chevalier hospitalier relève de la justice ecclésiastique !
    — Morbleu, cela suffît, prévôt, je n’ai pas de leçon de justice seigneuriale sur les us et coutumes en vigueur en notre province d’Aquitaine à recevoir de vous, répondit le baron, un ton plus haut et plus cassant. Vous n’étiez pas né que mon père m’instruisait déjà de ces affaires !
    — Oui certes, messire. Je n’en doute point. Mais sur arrêt de…
    — Non !
    — Non ? Et pourquoi non ?
    — Messire prévôt, ne dîtes point sur arrêt de… Un arrêt émane du roi ou du parlement.
    — Ah ? Je disais donc, sur ordre de monseigneur de Royard et de messire de Verde…
    — Non, non !
    — Non ? Vraiment ?
    — Oui, vraiment ! Par Saint-Denis, on ne donne point un ordre au premier baron du Pierregord, sauf à être roi. Êtes-vous le roi Philippe, messire prévôt ?
    — Euh… certes non ; je ne me nomme point Philippe.
    — À la bonne heure ! Lorsque vous vous adressez à un grand seigneur ou à l’un de ses vassaux, vous devez seulement le prier de bien vouloir… »
     
    Le prévôt s’escumait à grosses gouttes et son teint rougeaud virait au violet. Il conserva néanmoins son sang-froid et poursuivit :
    « Messire de Beynac, je vous prie de bien vouloir…
    — Non, non, messire prévôt. Décidément non ! Vous semblez ignorer les coutumes de la bienséance. On ne dit point je vous prie, mais “Monseigneur de Royard et messire de Verderac m’ont prié de procéder à la mainmise sur la personne de messire Brachet de Born, en vertu de l’ordonnance délivrée par

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