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La danse du loup

La danse du loup

Titel: La danse du loup Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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destrier ne se fit pas prier. Il sentait l’odeur de l’écurie. Nous contournâmes le château par le nord et parvînmes à la porte Veuve avant vêpres.
     
    Lorsque vêpres sonnèrent, Arnaud n’était naturellement pas sur les lieux dont nous étions convenus. J’enrageai. J’abandonnai mon destrier aux soins d’un valet d’écurie, j’ôtai mes gantelets de maille, m’aperçus que je ne portais pas ma bague en or sur l’annulaire de la main, à dextre.
    Sur le coup, j’en fus très vivement contrit. Le baron me l’avait offerte. Un véritable travail d’orfèvrerie gravé à mes armes. Je l’enlevai souvent la nuit. Je fus incapable de me souvenir si je l’avais enfilée ce matin ou pas. Sans doute était-elle restée dans ma chambre à la place où j’avais l’habitude de la poser. Je vérifierai.
    Je mandai Foulques de Montfort. On m’apprit qu’il n’était plus de garde. Il avait été remplacé par Raymond de Carsac. Tant mieux. Je me présentai audit chevalier et lui annonçai l’arrivée prochaine du second écuyer, prétextant qu’il avait été retardé, son cheval ayant fait un mauvais pas.
    Je requis son indulgence et le priai de ne point en faire état au baron. Arnaud devrait me rendre des comptes avant, pensai-je en mon for intérieur. Raymond de Carsac était nouveau dans la maison. Il m’avait pris en amitié. Il me promit de faire son possible pour passer l’incident d’icelui sous silence. Il tint parole.
     
     

     
     
    En revanche, le crime dont le chevalier Gilles de Sainte-Croix fut victime ce jour-là, à deux jours des nones de mars, en l’église hospitalière de Cénac, ne pourrait onques être étouffé.
    Il serait impossible au seigneur de Beynac, mon protecteur, quelle que fût sa puissance de premier baron du Pierregord, de passer sous silence cet assassinat épouvantable.
    Or donc, de ce crime monstrueux je fus accusé plusieurs semaines plus tard, exactement le treizième jour des calendes d’avril, le 19 du mois, ainsi que je l’ai conté plus haut. L’enquête ad dolorem que la prévôté de Sarlat avait instruite, diligentée par le juge-procureur du Tribunal ecclésiastique, avait été rondement menée. Elle m’avait benoîtement désigné comme coupable.
    Ma vie basculait. Les mâchoires d’un piège diabolique venaient de s’ouvrir pour me plonger dans les ténèbres après une exécution ignoble. J’étais perdu. Corps et âme.
     
    Adieu, la vie.
    Adieu, ma Mie, ma douce Mie.
    Priez pour le repos de mon âme.
     
    In nomine Patris et Filii et Spiritus sancti.

 
    Et s’il y a nul compain,
    Gracieux et de bon renom,
    Qui te veuille d’armes requérir,
    Octroie-lui, car c’est raison.
    Ainsi pourras honneur conquérir.
     
    Cent ballades, auteur anonyme
     
     
     
     
    Chapitre 3
    À Beynac, dans l’antichambre de la librairie, à V jours des calendes d’avril jusqu’à la veille du jour de l’Ascension de Notre-Seigneur Jésus-Christ {v} .
     
    Depuis ce jour funeste du mois de mars où le prévôt du sénéchal de Pierregord s’était présenté à l’entrée du château pour mettre la main sur ma personne, je tournais en rond et croupissais dans l’antichambre de la vie et de la mort.
    Ce jour-là, après être sorti de mon bain au parfum d’alchimie dont m’avait gratifié notre barbier, l’acte d’accusation qui pesait sur moi me restait en travers du gosier que j’avais sec.
    Le corps tremblant et les jambes flageolantes, je revêtis la première chemise et le premier pourpoint qui me tombèrent sous la main sans prendre le temps de m’essuyer. Pour éviter d’être traîné nu comme un ver jusqu’à la chambre de torture de la prison de Sarlat. Une pudeur bien dérisoire.
    Mes chausses me donnèrent du fil à retordre : elles collaient à la peau sur mes jambes mouillées et refusaient de se laisser enfiler plus haut que les genoux. Dans le combat sans merci que nous nous livrâmes, elles cédèrent finalement. À la hauteur du postérieur. De sorte que j’eus une partie du cul à l’air. Je n’étais pas d’humeur à en rire.
    Dehors, j’entendais plusieurs sabots marteler les dalles de pierre de la basse-cour : la herse avait été levée pour laisser passer le prévôt et son escorte. Quatre gens d’armes à cheval pour moi tout seul. En d’autres circonstances, j’en aurais éprouvé quelque fierté. Leurs chevaux piaffaient d’impatience. Eux aussi, ils avaient hâte de faire main basse sur ma

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