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La danse du loup

La danse du loup

Titel: La danse du loup Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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ancêtres m’avaient sans doute légué en héritage, en avait décidé ainsi.
    Dorénavant le chasseur ou le bourreau, ce serait moi. Loin d’avoir renoncé à établir mon innocence et à oublier la voie de ma vie, la voie d’Isabeau de Guirande, ma douce mie, je décidai de prendre le taureau par les cornes, comme on dit plus loin par-delà les Pyrénées, du côté des Espagnols.
    Pour traquer le coupable de cette félonie. Pire, de ce meurtre révoltant contre le chevalier de Sainte-Croix dont on m’accusait. Et qui me priverait pour longtemps de tout espoir de revoir un jour ma gente fée aux alumelles.
    Je devais à tout prix cerner les causes profondes de ce crime et en pister les voies pour confondre le coupable avant de le remettre à la justice du bras séculier. À moins que je ne l’exécute moi-même. Non, finalement le faire comparaître serait préférable. Sinon on pourrait encore m’accuser de l’avoir occis.
    Le baron étudiait mes réactions, sans mot dire. Il était calme, presque détendu. Seuls quelques cernes plus accentués qu’à l’accoutumée témoignaient d’une grande fatigue. Son corps s’était imperceptiblement voûté. Il le redressa, consciemment ou non, et me dit d’une voix ferme, mais non sans lassitude :
    « Tu logeras ici. Tu n’en quitteras point les lieux jusqu’à nouvel ordre. La pièce est fraîche. Michel, notre capitaine d’armes, t’apportera un coutil pour la nuit, de nouvelles chandelles, de l’eau et des provisions de bouche. Ne te réjouis pas trop tôt : pour toi, le temps du carême n’est pas fini.
    — Seigneur, pourquoi m’avoir sauvé la vie tantôt ?
    — Bertrand, je ne t’ai pas encore sauvé la vie. Par Saint-Denis, qu’il me pardonne ; si j’ai menti pour toi, c’est par respect pour la promesse que je fis naguère à ton père qui, lui, m’a vraiment sauvé la vie en l’an de grâce 1340 pendant la bataille navale dite de l’Écluse, de sinistre mémoire.
    « Il t’a confié à moi avant de trépasser dans mes bras. C’est en souvenir de tes valeureux ancêtres dont l’un fut armé chevalier sur le champ de bataille par notre saint roi Louis.
    « S’il s’avérait que tu sois coupable de ce crime, pire que félonie, je ne te livrerais jamais au bourreau. Par Saint-Denis, je jure sur la Vierge Marie que je te trancherais la tête ou que je t’installerais sur la planche du salut, pieds et poings liés.
    « Tu finirais inexorablement par choir dans le vide lorsque, ivre de fatigue, tu ne serais plus capable de maintenir ton équilibre. Quelle que soit la manière de t’exécuter, ton bourreau, ce sera moi. Moi seul. Si Dieu me prête vie.
    « Pour l’instant, tu es tenu au secret. Tu es en sûreté aussi, me dit-il après un instant d’hésitation. Médite et réfléchis. Nous nous reverrons demain. As-tu compris ?
    — Oui, messire. »
    Le baron n’était pas toujours magnanime. Il ressemblait à feu notre roi Philippe, quatrième du nom, dit le Bel, lorsqu’il organisait et ordonnait l’arrestation de tous les chevaliers de l’Ordre du Temple, le même jour, à la même heure, sur l’ensemble du territoire de la couronne. Il tenait moins du grand-père d’icelui qui avait rendu son dernier souffle à Thunes devant la citadelle de Carthage, lors du huitième pèlerinage de la Croix.
    Il posa sur moi des yeux bleus emplis de tristesse. Sa colère s’était évanouie. Il ouvrit la porte située en face de la librairie, la referma sur lui, la loqua. Je ne le vis pas, mais je sus qu’il se dirigeait vers la chapelle du château. Le silence de la nuit bourdonnait dans ma tête.
    Je m’assis sur le banc. Je pris ma tête entre les mains. Les larmes inondèrent aussitôt mon visage. Tant de tension, tant d’incompréhension, tant de questions, tant de doutes ! J’étais épuisé.
     
    Le lendemain matin, à l’heure où sonnaient les laudes, le bruit d’une clef dans une serrure me réveilla en sursaut, les cheveux hirsutes, dressés sur ma tête. Je ne m’étais pas endormi avant minuit, le sommeil agité, peuplé de cauchemars.
    Quelqu’un frottait énergiquement une pierre à feu. La lumière blafarde d’une bougie éclaira une silhouette floue. Làs, ce n’était pas la gente damoiselle aux alumelles, ce n’était point Isabeau de Guirande.
    Le baron Fulbert Pons de Beynac se tenait devant moi. Il était toujours matinal. Ce jour d’hui plus que jamais. Je me frottai les yeux, l’esprit

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