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La danse du loup

La danse du loup

Titel: La danse du loup Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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plafond d’un parcours taillé dans le roc.
    Leur flamme vacillait lors de notre passage, dégageant une odeur de résine et de poix. Elle projetait sur les murs et sur le sol des ombres variées dont la forme angoissante s’allongeait à mesure que nous nous en éloignions et rétrécissait lorsque nous nous en approchions.
    Une fesse toujours à l’air, je suivais à dix pas le surcot tantôt rus, tantôt noir de mon maître. Il ne se retourna pas une seule fois pendant le trajet.
    Ayant repris mes esprits, c’est-à-dire mon esprit combatif, j’étais bien décidé à présent, où qu’il me conduisît, à défendre mon innocence et à l’interroger sur les raisons pour lesquelles il avait prétendu m’envoyer en mission et ne m’avait point livré séance tenante aux sergents de la sénéchaussée.
     
    Parvenu en haut d’un escalier dont les contre-marches étaient particulièrement hautes, le baron marqua une pause pour extraire d’une aumônière qu’il portait à sa ceinture une énorme clef qu’il glissa dans la serrure d’une porte en chêne massif bardée de métal.
    Lorsqu’il l’ouvrit, la porte grinça sur ses gonds et émit un gémissement digne de celui des âmes qui hantent le purgatoire. Leur entretien laissait à désirer. Un peu de suif ou de graisse d’oie n’auraient pas été de trop. J’ai toujours apprécié les lieux feutrés et les gonds bien graissés. Je n’étais pas disposé à lui en faire la remarque.
    Le rythme de mon cœur s’accélérait à nouveau et ce n’était pas en raison des nombreuses marches que nous venions de monter. Nous étions, me sembla-t-il, parvenus au bout du chemin de la destinée que le tout puissant seigneur de Beynac me réservait.
    Bien décidé à provoquer une explication avant qu’il ne prît une décision définitive, je puisai dans mon cœur les ressources nécessaires pour écarter le fardeau que des inconnus avaient jeté sur mes épaules. Je savais pourtant ne jamais pouvoir tenter une épreuve de force contre mon seigneur et maître. Ma vie eut-elle dû en dépendre.
    Je pensai au vendredi saint et au calvaire du Christ trahi par les siens, mais ressuscité le troisième jour. Sans prétendre comparer ma sainteté à la Sienne, je n’en étais pas pour autant prêt à accepter l’injustice du sacrifice suprême : je savais qu’il était peu probable que je puisse ressusciter avant le jugement dernier. Autant dire que je n’étais pas encore en état d’attendre une date si lointaine.
    La lourde porte s’ouvrit sur l’antichambre de la librairie que je connaissais bien. Le baron m’y avait souvent conduit par des voies de surface.
    Deux portes opposées donnaient, l’une sur un couloir, l’autre sur la librairie. Un rapide coup d’œil me confirma qu’elles étaient l’une et l’autre verrouillées à double tour. Celle qui donnait sur le souterrain, le baron venait de la loquer aussi. À double tour.
    En guise de mobilier, cette pièce aux dimensions réduites ne disposait que d’une petite table sur laquelle reposait un chandelier dont la bougie était éteinte, d’un banc, d’un tripalium, une sorte de tabouret à trois pieds qui servait autrefois à y installer les patients soumis au travail du bourreau.
    Histoire de les tourmenter un peu. Avant qu’ils ne soient allongés sur une forte planche pour y subir l’épreuve du biberon. En réalité, la question. La question de l’eau qu’on déversait par un entonnoir dans leur gorge. Surtout quand ils n’avaient pas soif.
    Comparée à l’antichambre, la modeste chambrette que je partageais avec Arnaud ressemblait à la salle des États où le premier baron du Pierregord réunissait ses vassaux, quelques pas plus loin. Côté est, une échauguette à encorbellement, flanquée à même la muraille qui surplombait la falaise, servait de cabinet de commodité. Ça tombait bien, ma vessie me rappelait une envie d’oriner qui me saisissait la gorge.
    Deux archères en forme de croix percées dans la muraille pour une raison inconnue (le château était inexpugnable sur ce flanc) laissaient filtrer une lumière blafarde. Le soir tombait.
     
    En fait de mise au secret, j’étais servi. Comme un criminel, par son bourreau. Comme un cerf aux abois l’est par le chasseur qui le sert d’un coup de dague. En plein cœur. Pour qu’il ne souffre plus. Je parvins à me ressaisir. Une volonté jeune mais inébranlable, trempée dans le caractère que mes illustres

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