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La danse du loup

La danse du loup

Titel: La danse du loup Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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leurs serviteurs. Sur leurs écuyers, aussi.
     
    Sexte venait de sonner à la cloche de la chapelle. Le baron de Beynac s’approcha de moi d’un pas lent et mesuré. Je louchai vers la porte de l’antichambre restée entrebâillée.
    Au moment où j’hésitai entre tenter une impossible fuite ou solliciter sa bienveillance pour que me soient accordés les derniers sacrements par un homme d’Église avant de comparaître devant le Tout-Puissant, le baron m’ouvrit les bras et me sourit. Je crus rêver. C’était la première fois que je le voyais sourire. D’un sourire lumineux, léger, qui adoucissait les traits habituellement durs de son visage. Ses yeux avaient pris la couleur de l’azur aux lys d’argent.
    « Les deux bras ouverts symbolisent le choix entre le bien et le mal, selon le grand mathématicien grec Pythagore. Tu as choisi la voie du bien. Je te sais à présent colombin, innocent de ce crime », m’affirma-t-il, non sans émotion.
    Je ravalai une fois de plus les sanglots qui me montaient à la gorge. Je m’approchai de lui. Mes pieds effleuraient à peine les lattis du parquet. J’avançai sur un nuage de bonheur.
    Il me prit en sa brace et nous nous donnâmes la colée, joue contre joue. D’un côté puis de l’autre. Comme les moinillons se la donnent pendant l’office.
    Lentement, délicatement, en inclinant légèrement la tête, nos mains posées avec douceur sur les épaules. Dans un esprit de pardon et de soumission mutuels.
    Le premier baron du Pierregord venait de me donner le plus beau cadeau qu’il ne m’eut jamais offert. Il venait de me donner le baiser de paix. Pour la première fois. J’en fus tout départi. Il est des gestes qui parlent mieux qu’un long discours.
     
     

     
     
    En début d’après-midi, le jour même de ma libération, le barbier entra dans l’antichambre, muni d’un plat à barbe et d’un coupe-choux à longue lame, pour me raser proprement. À moins que ce ne fût pour me trancher la gorge ? J’eus un geste de recul.
    Il me lança un tonitruant : “Spiritus fiat ubi vult   !” L’esprit souille où il veut. Je lui répondis en souriant : “Spiritus promptus est, caro autem infirma   !” L’esprit est prompt, mais la chair est faible !
    À son regard étonné, je compris qu’il ne saisissait pas mon allusion à la visite que la jeune Marguerite m’avait rendue. Tant mieux. Elle s’était accoisée. Elle avait su tenir sa langue. Sinon, tout le château aurait été au courant.
    Une fois que je fus rasé, sans coupure aucune, lavé et vigoureusement frictionné, le seigneur de Beynac me pria de revêtir le grand harnois qu’il venait de me faire livrer par Michel.
    Le même que celui que je portais le jour du meurtre du chevalier de Sainte-Croix. Je m’exécutai sans discuter, sans bien en saisir les raisons. Lui-même n’était revêtu que d’un simple pourpoint brodé. Il n’avait pas ceint son épée.
    Puis il me conduisit du logis sud-est, où j’avais été reclus, à la salle des États en passant par la cour intérieure du château. La salle des États communiquait avec la tour de l’Oratoire à l’angle du bâtiment de l’Éperon dont une porte ouvrait, à l’ouest, sur la planche du salut fixée sur un encorbellement. Au-dessus du précipice. Un léger frisson me parcourut le corps.
    Lorsque nous parvînmes dans le castrum, entre la porte de Boines et la porte Veuve, tous les chevaliers et Michel de Ferregaye, le capitaine d’armes, étaient là en grand harnois, de fervêtus comme moi, casque à la main et camail enroulé autour du col, ceinturon bouclé, adossés au mur des maisons seigneuriales. Les uns et les autres chuchotaient entre eux, dansaient d’un pied sur l’autre, bref s’impatientaient.
    Sur le coup, je fus surpris à la vue de mes compains alignés comme des oignons et marquai le pas. Le baron, qui m’escortait, me rassura :
    « Ne t’inquiète pas, j’ai organisé une confrontation avec le forgeron des Mirandes. Je souhaiterais que ton innocence soit reconnue publiquement devant tous. Prends place au milieu d’eux. » Je m’exécutai et pris place entre Arnaud, tout sourire et Raymond de Carsac, droit comme un i, sérieux comme un pape. Arnaud chuchota :
    « Tu reviens de loin !
    — Non. Pas de loin. De l’antichambre de la librairie, lui répondis-je un peu fraîchement.
    — Ah, bon ? Je croyais que le baron t’avait mis au cachot ou précipité dans les

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