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La danse du loup

La danse du loup

Titel: La danse du loup Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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oubliettes, me susurra-t-il d’une voie mielleuse, le visage dur et tendu par le pli de ses lèvres en lame de cotel que démentaient ses yeux plissés en amande.
    — Et bien, non, vois-tu. Notre maître m’avait simplement mis en sûreté. Pour me protéger et non pour me garder. En attendant que le forgeron des Mirandes m’innocente, lui rétorquai-je en négligeant les risques considérables que j’avais encourus.
    — Alors, ta soi-disant innocence ne devrait pas tarder à être reconnue au grand jour… »
    Je lui décochai un regard glacial. Cette fois, il poussait le bouchon un peu loin. Il détourna les yeux.
    Plus loin, se tenaient Guillaume de Saint-Maur et Étienne Desparssac, le maître des arbalétriers, qui cacardait comme une oie bien gavée. Seuls Gontran Bouyssou, le chef du guet et quelques sergents de garde, à leur poste, le long des créneaux ou aux portes, n’étaient pas présents.
    Foulques de Montfort aussi était absent. J’en fis la remarque à mon autre voisin, Raymond de Carsac.
    « Il ne devrait pas tarder, m’assura-t-il. Il a été convoqué comme nous tous. »
    Quelques instants plus tard, le chevalier marchait effectivement vers nous, la tête haute, d’un pas vif et décidé, la main à senestre enserrant le pommeau de son épée. Bien que je lui eusse toujours trouvé l’air fendant, je ne pus m’empêcher d’admirer son air déterminé. Il était assez grand, brun, d’un naturel fier et discret, les cheveux coupés courts, contrairement à d’aucuns autres chevaliers de la place.
    Foulques n’avait pas pris place parmi nous qu’une hurlade épouvantable et inhumaine nous parvint en provenance de la porte de Boines, suivi d’un fracas d’enfer. Le sol en trembla. Puis plus rien. Silence de mort.
    Nous nous précipitâmes sur les lieux en courant, dans un cliquetis de fourreaux qui s’entrechoquaient. Un phénomène étrange nous y attendait : la herse intérieure de la principale barbacane qui commandait le passage entre l’entrée du château et le village, normalement ouverte en permanence, était tombée violemment en mordant le sol. Elle avait défoncé une partie du dallage au point d’impact et fortement émoussé les pieux taillés en biseau dont elle était faite en sa partie inférieure. Tout cela n’était pas bien grave et serait vite réparé.
    Arnaud hurla. D’un cri déchirant qui transperça nos oreilles plus sûrement que la mise à feu d’une de ces nouvelles bombardes. Sept têtes levèrent les yeux en même temps pour découvrir un spectacle diabolique : le forgeron des Mirandes pendait à plus de quinze coudées au-dessus de nous. L’une des cordes du treuil qui manœuvrait la herse avait garrotté son col.
    Son chef était bloqué contre l’orifice dans lequel était scellé l’axe d’une des deux poulies qui rouillaient l’ouverture et la fermeture de la herse. Elle formait avec le reste de son corps un angle droit, les vertèbres probablement brisées à la hauteur du col, le crâne broyé.
    Le forgeron, happé par la corde, avait à peine eu le temps de hurler avant de vivre sa mort. Son corps se balançait là-haut, tel un épouvantail désarticulé. Nous étions sidérés, immobiles, consternés par l’effroi et la douleur.
     
    Brusquement, son corps disloqué chut à nos pieds et sa bedaine, que le malheureux homme avait molle, creva en heurtant le sol avec un “pccchit-t-t-t-t”, soulevant une gerbe de poussière, tandis que l’odeur nauséabonde de ses viscères se répandait dans un mélange de pisse et d’excréments. Un ultime spasme agita ses pieds.
    Sa tête, décolée, resta un instant suspendue en l’air avant de se détacher de la corde qui la retenait encore, pour s’écraser dans un bruit atroce d’os brisés, à côté du corps auquel elle était reliée quelques instants plutôt. Par une ironie du sort, elle se lova spontanément à la place même qu’elle occupait naguère, de son vivant.
    Une flaque de sang s’élargit peu à peu et souilla la tunique de ce pauvre forgeron. La confrontation qui devait m’innocenter publiquement en lui permettant de me reconnaître et de m’identifier officiellement n’aurait pas lieu. Je fis le signe de la Croix, comme les autres. Pas uniquement à cause du défunt : l’alibi que le baron et moi avions si patiemment forgé venait de s’écraser.
    Le baron se fit porter un drap blanc. Un drap de sa propre lingerie. Marguerite, ma petite lingère, arriva

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