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La danse du loup

La danse du loup

Titel: La danse du loup Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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écumants, mais vaincus. Vaincus par la qualité de manœuvrier du mestre-capitaine et par le courage des mousses et des matelots de l’équipage.
     
     

     
     
    À l’appel du soir, nous apprîmes qu’un petit mousse, qui exécutait une manœuvre sur la vergue de misaine, était porté disparu, happé par la mer. Probablement avait-il glissé au moment où cette vague monstrueuse avait déferlé sur le pont du navire.
    Il était trop tard pour tenter de l’arracher aux flots qui l’avaient certainement englouti dans leurs profondeurs. Tout l’équipage se signa et le mestre-capitaine prononça dans sa langue natale les paroles d’une courte prière reprise par tous, pour recommander à Dieu l’âme de ce malheureux.
     
    À dater de ce jour terrible, aucun de nous quatre ne ressentit le moindre mal de mer. L’épreuve que nous venions de subir avait fait de nous de vrais marins. Et de moi, le nouveau troubadour des mers :
     
    Plus épaisse qu’un amas de velours,
    Je fais battre tes tambours.
    Déchirés, braises d’argent, vivante fumée,
    Sous le vent, dans la lutte et l’affrontement,
    Au rythme de ses hurlements.
    Tes vagues énormes creusent de larges fossés
    Que des mains de titans ont sculpté
    Dans cette glaise liquide où des tourbillons de pluie
    Viennent, ainsi que des fouets invisibles,
    Claquer dans la nuit
    Pour annoncer une mort horrible.
    Du haut de mon navire, perché sur mon mât,
    Je contemple, homme oiseau, le fascinant combat
    Que tu livres contre toi-même, toi le colosse
    Au dos si souple, âme de chair verte, magma
    Des eaux, vallée de trous noirs et d’informes bosses
    Où tant de songes avant les miens
    Se sont noyés, mais que tu détiens
    En ta mémoire, tout au fond
    De tes abîmes et de tes silences.
     
    Lumière intérieure, inaccessible présence
    Qui me fascine et m’envoûte comme une chanson,
    Hypnotique berceuse dans la tempête
    Qui fait voyager mon cœur et ma tête
    Vers de lointains horizons, me faisant oublier
    Que mes membres sont si froids,
    Et qu’il faudra prendre sur soi
    Avant de voir le jour se lever.
     
    La Santa Rosa avait jeté l’ancre non loin du port de Thunes. Le mestre-capitaine avait armé trois forts bateaux, en fait une chaloupe et deux canots, pour décharger la cargaison qu’il destinait au comptoir génois de la place.
    Il nous avait vivement déconseillé de nous rendre à terre. Les Infidèles n’étaient pas les bienvenus dans la cité de Thunes. Les armes des barons de Beynac ne jouissaient pas ici, nous avait-il précisé non sans ironie, des égards qui étaient rendus à icelui en terre d’Aquitaine.
    Pire, si nous avions envisagé de débarquer en habit de pèlerins de la Croix, nous y serions promptement égorgés : seuls les Croyants étaient accueillis avec les égards dus aux serviteurs de la vraie Foi. La foi en Allah. Et en Mahomet, son prophète.
    Le mestre-capitaine nous avait rappelés, non sans malice, que notre saint roi Louis, lui-même, n’avait pas réussi à prendre la forteresse qui dominait la ville. Il y avait même trouvé la mort. Lui et une grande partie de son armée. Pour l’actuel bey de Thunes ainsi que pour ceux qui l’avaient précédé, c’était un signe d’Allah. Capisce   ?
    Nous prîmes conscience que les lois du commerce génois s’accommodaient remarquablement de ce genre de situation. Mieux que les lois de la guerre. Ou de la Foi.
     
     

     
     
    La forteresse de Carthage dominait le port et la ville de Thunes. Elle dressait ses merlons pointus et ses créneaux non loin de nous. Une partie de ses tours et de ses défenses était exposée au soleil couchant. De la couleur ocre et dorée du pisé.
    Une douceur qui contrastait avec le temps que nous connaissions habituellement chez nous, en automne. Le ciel était nappé de rose et de bleu. Quelques nuages, très haut, s’effilochaient dans l’azur comme une gente dame alanguie sur sa couche. Abandonnée à la caresse de la brise.
    « As-tu vu le ciel, Bertrand ? On dirait que les nuages s’étendent avec langueur comme une dame offerte aux poutounes de son amant… » C’était Arnaud ; il commentait ses sensations paillardes.
    « Messire Foulques, de grâce, me serait-il permis de vous demander de nous conter l’histoire de ce trésor ? N’y voyez point curiosité mal placée. Mais, après les terribles événements que nous avons vécu au large de Thunes, s’il vous arrivait malheur, à Dieu ne plaise, Arnaud et

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