La danse du loup
l’Égypte, point faible du dispositif sarrasin. Ils estimaient que la défaite du sultan du Caire faciliterait la reconquête de la cité de Jérusalem.
Une escale avait toutefois été prévue en l’île de Chypre, où de nouvelles provisions de bouche pour les hommes et les chevaux et un impressionnant matériel de campagne avaient été accumulés depuis près d’un an sous la diligence de Nicolas de Soisy, un des proches du roi.
Les nefs jetèrent l’ancre en le port de Limassol. Le roi débarqua dans cette île à quatorze jours des calendes d’octobre, le 17 septembre. Mais de nombreux navires avaient été déroutés par des vents contraires ou par diverses fortunes de mer, et il fallut bien attendre l’arrivée de l’ost d’Alphonse de Poitiers.
Lorsque l’armée fut enfin au complet, la mauvaise saison approchait. Un beau matin, les marins génois décidèrent sans crier gare de rentrer chez eux. Le roi Louis dut mener de nouvelles négociations pour transporter tous les corps d’armée en Égypte.
Il dut se résigner à attendre le printemps suivant. Fâcheux retard qui privait les croisés de l’effet de surprise ! Pendant ce temps, le roi Louis et son ost furent les hôtes du sire Hugues de Lusignan, roi de Chypre. Louis mit ce retard à profit pour convaincre le roi Hugues de prendre la Croix et de l’accompagner en Égypte.
Quelques jours avant que les navires ne lèvent l’ancre, le maître des Templiers, Guillaume de Sonnac, informa le Conseil que le sultan du Caire proposait de négocier la paix.
Le roi Louis était-il mal informé de la situation générale qui régnait en Terre sainte ? Il était, en tout état de cause, plus averti des us et coutumes des sujets de son royaume que des traditions et des comportements des Sarrasins.
Il décida de ne pas traiter avec eux avant de les avoir vaincus et il ordonna au maître des Templiers de rompre les pourparlers.
Par suite d’une bourrasque qui dispersa une partie des navires, la première tentative d’appareillage échoua. La tempête s’étant apaisée, on mit enfin à la voile. Il fallut quatre jours pour atteindre la forteresse de Damiette qui ouvrait la route du Caire.
Aiyyub, le sultan d’Égypte, pressentait que les Infidèles débarqueraient sur ce littoral. À sept jours des ides de juin, le 6 juin 1349, il avait pris des dispositions de défense. Dès que les voiles marquées de la sainte Croix furent en vue, six mille cavaliers égyptiens à ses ordres occupèrent la côte.
Les sables ne permettant pas d’aborder plus près, les croisés descendirent dans des barques. Messire de Joinville appartenait à la première bataille. À sa dextre, le roi, les chevaliers et les écuyers, en haubert de maille, le grand écu attaché autour du col, mirent le pied à l’eau dès que cela fut possible.
L’oriflamme rouge de Saint-Denis fouettait dans la brise. Le heaume du roi Louis, surmonté d’une couronne d’or, étincelait de mille feux au soleil. L’eau lui parvenait jusqu’au torse, et pourtant il était grand, plus grand que la plupart des gens de son ost.
À mesure qu’ils atteignirent le rivage, ils avancèrent le plus loin possible pour dégager le terrain et permettre aux batailles suivantes, aux destriers, aux écuyers et aux arbalétriers de prendre position. Ils plantèrent aussitôt leur écu par la pointe et fichèrent leur lance dans le sable en les inclinant vers l’ennemi. Les destriers commençaient à débarquer, déjà tout harnachés et prêts à être montés.
Sentant le danger approcher, les cavaliers égyptiens décochèrent moult flèches qui se fichèrent sur les écus comme autant d’épingles sur la pelote d’une camériste, et chargèrent en vagues successives et tourbillonnantes avant de laisser place à de nouveaux assaillants, selon la tactique qui leur était familière.
Les premiers chevaux s’enferrèrent sur les lances de dix pieds. Ils tournèrent bride et d’autres revinrent à l’assaut, soulevant un nuage de poussière ocre qui pénétrait par la visière des heaumes et brouillait la vue.
La position risquait de devenir intenable. Plusieurs chevaliers étaient déjà blessés ou purement occis. Sur le rivage, les premiers corps d’arbalétriers débarquaient sous la conduite de messire Simon de Montbéliard, maître des arbalétriers du roi. Dès qu’ils parvinrent à terre, ils plantèrent leur targe pour se protéger des nuées mortelles que décochaient
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