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La Dernière Bagnarde

La Dernière Bagnarde

Titel: La Dernière Bagnarde Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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vents.
    Sœur
Agnès avait parlé au commandant et n'avait eu aucun mal
à le convaincre. Elle s'en était étonnée,
vu le tableau que lui avait dressé la mère supérieure.
En réalité il n'avait pas été informé
du problème, et s'était terriblement inquiété
de la s i tuation
qu'il découvrait.
    — Ne
perdons pas de temps, avait-il déclaré en se levant.
J'avertis mes hommes, faites sortir les femmes. Ce soir, tout s e ra
impeccable.
    Sœur
Agnès n'en revenait pas. Elle regretta de ne pas avoir agi
seule plus tôt. Elle courut annoncer aux détenues que
c'était jour de grande lessive, que le commandant avait donné
l'ordre de vider la cale de fond en comble, d'aérer et de
laver tout ce qui s'y trouvait. Elle soul e va
des hurlements de joie qui résonnèrent comme des cris
de bêtes hallucinées. En moins de deux m i nutes
les femmes agrippèrent leurs maigres
    effets
et, une fois la grille de leur prison ouverte, coururent sur le pont.
    Fouettée
au visage par les embruns, Marie se sentit revivre. Elle ouvrit
grands ses bras et respira à s'en
faire éclater les poumons. Louise fit de même, avalant
l'air avec une faim de loup. Le vent cha r riait
un air glacial mais, sur le pont, toutes les femmes, levant la tête vers
le ciel, profitèrent de l'air et de la lumière avec
avidité, laissant emporter du fond de leurs gorges et de leurs
yeux les miasmes de l'e n fer
d'où elles venaient de remonter, hagardes. Quand ils les
virent avec leurs visages livides, leurs peaux blêmes et leurs
cheveux poisseux, les hommes d'équipage cessèrent un
instant leur travail, stup é faits.
Il n'y eut aucune remarque salace, aucun sifflement intempestif,
juste un étrange
silence. Dans ces femmes épuisées, anéanties par
la nuit du cachot, ils ne retrouvaient ni la fraîcheur de la
jeune fille ni la sensu a lité
de la femme dont en riant, le soir entre eux dans leurs couchettes,
ils avaient imag i né
les chevelures opulentes et les courbes adoucies. Ils découvraient
avec effarement un troupeau de bêtes sales et ape u rées
qui hurlaient dans un ho r rible
désordre.
    — Allons,
allons, on enchaîne, tout doit être terminé avant
ce soir !
    La
voix était impérieuse, ils reprirent le cours de leur travail.
Tous avaient
été réquisitionnés pour le grand nettoyage
et s 'affairaient
a u tour
de seaux qu'ils rem plissaient d'eau
et de chaux vive. Avec une grande barre de bois, ils tournaient
éne r giquement
pour bien mélanger. D'autres
remplissaient des pompes de cuivre avec du sulfate de fer et les
actio n naient
pour vérifier qu'elles projetaient convenablement le produit.
Ce n 'est
que lorsqu'il ne resta plus rien dans la cale qu'ils de s cendirent
à leur tour, chargés de leurs outils et de leurs
prép a rations,
encouragés par la voix tonitruante du commandant qui
supervisait en personne les op é rations
:
    — Respires
un bon coup avant de descendre et n'ayez
pas peur de frotter ! Ça pue pire que le bouc, là-dedans
! On y me t tra
la journée s'il le faut mais tout doit être passé
au peigne fin. Je viendrai vérifier à quatre heures
précises et je veux que ça sente la rose ! Compris ? (puis
se tournant vers la mère sup é rieure)
    — Voilà
ma mère, tout sera arrangé comme promis. Heureusement
que sœur Agnès m'a traîné là-bas,
sans quoi on a u rait
eu des mortes. À ce train-là ! Vous imaginez un peu
le pépin ! Durant les voyages pr é cédents,
des bagnards sont déc é dés,
et on a frôlé le scandale. L'affaire a été
étouffée, heureusement. Mais cette fois pas question de déba r quer
au bagne avec des macchabées. Je
perdrais mon
contrat et j'ai des hommes à nourrir, moi
! fit leurs familles
! Enfin, ce soir tout sera r é glé et
dorénavant on
essaiera d'aérer plus souvent et de fiare un
ne t toyage complet
chaque quinzaine. N'hé sitez pa s à
venir me parler.
Vous savez, nous, les hommes,
on s'accommode.
On ne se rend pas bien compte des difficu l tés
des femmes avec tous leurs tracas.
sœur Agnès m'a
dit que vous n'osiez pas me déranger. Il le
faut, je suis
là pour ça.
    La mère
supérieure acquiesça d'un imperceptible et rigide
mouv e ment
de sa cornette
blanche. Elle n 'avait aucune
envie de prolonger cette
conversation et surtout pas d'entrer dans des détails qu'elle
j u geait
intimes et scabreux, Pas
l'ombre sur
sa f i gure
blafarde d'un sou- rire
qui dirait dit son contentement.
Car elle n'en avait pas vraiment,
le sort des
priso n nières
lui était

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