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La Dernière Bagnarde

La Dernière Bagnarde

Titel: La Dernière Bagnarde Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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pour
ainsi dire indifférera En revanche, rien ne pouvait la
contrarier davantage que de se voir flouée dans son autorité.
Do n ner
des ordres était tout ce qu'elle estimait conserver de son
monde d'avant le couvent, du temps où elle était Mlle
Adrienne de Gerde. En transgre s sant
l'ordre hiérarchique et en agissant seule, sœur Agnès
venait de nier cette autorité. Dieu la punirait de son
insolence. Dans la succession d'établissements religieux
sévères où elle avait passé sa jeunesse,
la mère supérieure avait appris à croire dans la
sanction du ciel bien plus que dans sa clémence. Les servantes
de Dieu jugeaient en permanence, et les punitions n'étaient
pas rares, à coups de fouet et de privations de nourriture.
Les rancœurs accum u lées
de la mère supérieure avaient rongé au cours des
ans son cap i tal
de patience. Le moindre désagrément entraînait
chez elle un torrent de violence intérieure que rien ne
laissait deviner. Elle affichait toujours cette indifférence
glacée, celle-là même que son père, riche
industriel, affichait pour garder son pe r sonnel
à distance.
    — Ma
mère, questionna sœur Agnès, inconsciente de
l'orage int é rieur
qu'elle venait de déclencher, comment s'organise-t-on pour la
lessive des vêtements et la toilette des femmes ?
    La
réponse cingla :
    — Débrouillez-vous.
    Après
quoi, croisant les bras et glissant les mains dans l'ampleur de ses
manches, elle s'éloigna, raide sous sa cornette immaculée.
On ne voyait d'elle plus rien d'humain.
    Sœur
Agnès resta seule, abasourdie. Que faire ? L'attitude de la
mère supérieure ne présageait rien de bon pour
la suite, mais ce n'était pas l'urgence. Comment faire se
laver cinquante femmes sales
de la crasse
accumulée depuis une semaine et entassées dans
des conditions d'hygiène épouvantable, sur le pont d'un
navire où rien n'est prévu et sur l e quel
circulent plus d'une centaine d'hommes ? Les états d'âme
de sa
hiérarchie, elle s'en occuperait plus tard. La seule solution
était d'expliquer la situ a tion
et d'organiser les choses avec les femmes.
    — On
peut commencer par la toilette, dit-elle. Il y a des seaux, on va les
remplir avec de l'eau de mer et vous passerez les unes après
les autres.
    — On
devrait peut-être commencer par les vêtements, glissa
Marie. Nos affaires sentent si mauvais !
    Sœur
Agnès hésita. Cette détenue disait juste, mais
les choses n'étaient pas si simples. L'urgent, c'étaient
les corps. Il
valait mieux commencer par la toilette. Marie insista un peu mais
elles se mirent vite d'accord. : se laver, puis laver les v ê tements.
    Elles
remontèrent des seaux d'eau de mer et, tout en s'aidant et en
se protégeant des regards les unes derrière les autres,
elles se lavèrent
en contrebas de
la dunette, à l'extrémité arrière du
navire. Sentir l'eau glisser sur leur peau fut pour toutes bien plus
qu'un soulagement, une r e naissance.
Il y eut des cris de joie, l'eau coulait sur leurs peaux sales et
emportait les sueurs, les miasmes» les odeurs. Marie ne se
lassait pas de frotter ses épaules, son corps, ses jambes, et
elle en redema n dait.
Hélas, il fallut laisser la place. Elle s'essuya rapidement et
eut un haut-le-cœur au moment de repasser ses vêtements
souillés. Mais comment faire ? Elle ne pouvait pas rester nue
devant les hommes d'équipage.
Elle se raisonna. Quand
ses autres vêtements seraient l a vés, elle se changerait à nouveau. Une gymna s tique
compliquée, mais il était impossible de faire
autrement.
    Pour
la suite des opérations, sœur Agnès était
inquiète. Comment, et où, laver en une fois tous ces
habits qui sentaient terriblement ma u vais
? Il n'y avait rien sur ce pont, à part quelques seaux.
    — Ne
vous en faites pas, ma sœur, on va vous donner un coup de main,
on a l'habitude, fit un vieux marin en s'avançant. Quand on
passe des mois en mer, il faut se débrouiller. Et croyez-moi,
on a de la re s source,
parce que si les gradés n'ont rien prévu pour vos
femmes, ils n'ont pas davantage prévu pour nous. Mais on a des
a s tuces.
    L'homme
était un de ceux qui lessivent les ponts, épluchent les
pommes de terre en cuisine et vident les poubelles en mer. Son
sourire édenté
et sa face burinée disaient sa longue expérience des
interm i nables
traversées. Le soir, il aurait dû dormir avec quelques
autres dans une c a bine
du navire qui n'ouvrait que sur une coursive intérieure mais,
aux miasmes et aux infections des

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